2.1.1. Une affaire de génération

La disposition du permis de conduire est relativement répandue : dans l’agglomération lyonnaise, près de 80 % des personnes âgées de 18 ans et plus, possèdent ce permis en 1995. Ce niveau moyen est bien entendu très dépendant de la date de naissance de l’individu : 70 % des 60-75 ans ont le permis et à peine plus d’un individu sur deux âgé de 75 ans et plus. Le passage du permis n’est pas encore tout à fait systématique dès les premières années de la vie adulte : 87 % des individus âgés de 25 à 59 ans sont titulaires contre à peine plus des deux tiers (67 %) des moins de 25 ans, il peut être affaire de moyens notamment.

Le moindre accès au permis des générations les plus anciennes résulte pour l’essentiel de la faible part des femmes titulaires après 60 ans (Graphique 34). Les raisons de cet important déséquilibre hommes-femmes chez les plus de 60 ans sont à rechercher du côté des modes de vie fortement sexués parmi les générations les plus anciennes (activité professionnelle réduite des femmes, autonomie limitée…) et du côté des référents culturels encore peu enclins à l’émancipation féminine dans les années 50 et 60. Cependant même chez les générations plus récentes on observe une certaine fidélité à la division traditionnelle des rôles puisque les différences hommes-femmes, très marquées parmi les anciennes générations, subsistent actuellement en début et en milieu de cycle de vie.

Ainsi, en 1995, en milieu de cycle de vie, la part des femmes titulaires du permis est inférieure de 14 points à celle des hommes (respectivement 81 % et 95 %). Parmi les actifs, les différences s’estompent devant la nécessité pour tous de pouvoir conduire : 97 % des actifs sont titulaires contre 90 % des actives (71 % des chômeurs hommes et 61 % de leurs homologues féminins) (Graphique 35).

Graphique 34 : Taux d’accès au permis selon l’âge et le genre
Graphique 35 : Taux d’accès au permis selon la position dans le cycle de vie et le genre

Source : EMD de Lyon 1994-1995

La situation des femmes n’exerçant pas d’activité professionnelle apparaît nettement plus défavorable : seules 63 % des femmes au foyer sont titulaires du permis, soit la part la plus faible des 25-59 ans. Cette situation ne semble pas montrer de signe d’évolution puisque même parmi les plus jeunes de ce groupe (les 25-34 ans) la part des titulaires reste réduite (62 %, contre 64 % pour les 35-44 ans et 60 % pour les 45-59 ans).

Parmi les 18-25 ans, la part des hommes titulaires est également supérieure à celle des femmes (respectivement 73 % contre 61 %) mais les niveaux ne sont pas encore stabilisés pour cette sous-population. Tout juste peut-on dire que les hommes passent plus rapidement le permis que les femmes. Ainsi à génération donnée, il reste un effet du genre qui joue de manière différenciée sur la part des titulaires en fonction de leur activité.

D’autres caractéristiques, comme le niveau d’études de l’individu, entrent dans la compréhension des éléments qui interviennent sur la probabilité d’accès au permis. L’acquisition du permis de conduire suppose la réussite d’un examen qui peut s’avérer difficile pour les personnes dotées d’un faible niveau scolaire, celui-ci peut se traduire par des problèmes de compréhension ou d’illettrisme représentant ainsi de véritables handicaps pour l’obtention du permis.

Près de la moitié des personnes n’ayant pas la possibilité de conduire une voiture (48 %) ont un niveau d’études primaire, contre 14 % des titulaires. Disposer d’un faible capital scolaire pénalise plus lourdement les femmes (Graphique 36, Graphique 37), en particulier celles n’exerçant pas d’activité professionnelle. Ainsi, la part des femmes au foyer titulaires du permis varie entre 24 % et 93 % des moins diplômées aux diplômées du supérieur. On notera que la part des titulaires parmi les diplômées du supérieur est assez peu sensible au statut.

Graphique 36 : Taux d’accès au permis de conduire selon le cycle de vie et le niveau d’études des hommes
Graphique 37 : Taux d’accès au permis de conduire selon le cycle de vie et le niveau d’études des femmes

Source : EMD de Lyon 1994-1995

Le niveau d’études est très lié à la génération et au revenu : les moins diplômés sont souvent les plus âgés et les plus modestes. Ces effets peuvent se cumuler, ainsi on peut penser que les moins diplômés modestes sont d’autant plus dissuadés de passer le permis que la formation à la conduite engendre des coûts importants, surtout lorsqu’elle est rallongée du fait des difficultés à obtenir le permis. Ces liens étroits rendent souvent difficiles une mesure de l’impact spécifique du niveau d’études, les effectifs ne permettant pas toujours de décorréler les différents effets. Par la suite, l’effet du niveau d’études sera présenté dès que les effectifs le permettront.

On retiendra que les effets générationnels sont particulièrement nets chez les femmes qui ne sont que 55 % à posséder le permis entre 60 et 74 ans et seulement 28 % après (respectivement 89 % et 87 % pour les hommes). En milieu de cycle de vie la détention du permis reste sensible au genre mais de manière différenciée selon le statut d’activité. Enfin une fois la génération, le genre et le statut déterminés, la part des détenteurs du permis de conduire est plus ou moins sensible au niveau d’études, un faible niveau d’instruction s’avère tout particulièrement pénalisant pour les femmes n’exerçant pas d’activité professionnelle. Ce détour par les différenciations socio-économiques d’accès au permis va nous permettre maintenant de mieux analyser et mesurer les inégalités verticales d’accès au permis. Les déterminants mis en évidence précédemment montrent qu’une mesure précise de l’impact du revenu suppose de désagréger la population par groupes sociaux relativement homogènes au regard du cycle de vie et du genre. C’est la démarche que nous privilégierons dans la partie suivante.