3.2. Un accès inégalitaire à l’auto-mobilité

Les niveaux de motorisation des ménages apparaissent nettement plus dépendants du revenu. Les familles les plus aisées sont ainsi 1,8 fois mieux motorisées que les plus modestes. L’individualisation du bien automobile au sein du ménage apparaît de fait fortement conditionné par son niveau de ressources. C’est bien sur les conditions d’accès individuel au volant que se rejouent aujourd’hui les inégalités verticales et horizontales. Elles se vérifient également en amont, sur les modalités d’accès au permis de conduire.

En 1995 dans l’agglomération lyonnaise, une personne sur 10 n’est pas titulaire du permis de conduire parmi les 30-45 ans : plus de la moitié appartient au 1er quintile (53 %), 80 % sont des femmes, près de 60 % n’exercent pas d’activité professionnelle et près d’un tiers (32 %) dispose d’un niveau d’études primaire (contre 9 % en moyenne pour cette tranche d’âge). L’analyse détaillée menée à l’intérieur de différents groupes sociodémographiques montre que pour les hommes, quel que soit le niveau de vie du ménage, l’acquisition du permis de conduire fait incontestablement partie du « bagage de base » d’entrée de la vie adulte alors que pour les femmes de condition modeste cette aptitude reste encore dépendante de l’exercice d’une activité professionnelle (Graphique 52, Graphique 53). On observe ainsi un certain retard des jeunes filles de milieux modestes dans le passage du permis à l’inverse de leurs homologues masculins ou des filles des ménages aisés. Par la suite, si elles n’exercent pas d’activité professionnelle, cette capacité à la mobilité autonome symbole de liberté et d’émancipation n’ira pas de soi, comme en témoigne la très faible part de titulaires parmi les femmes au foyer des ménages modestes.

Graphique 52 : Indices de concentration de l’accès au volant et au permis chez les hommes
Graphique 53 : Indices de concentration de l’accès au volant et au permis chez les femmes

Source : EMD de Lyon 1994-1995

L’analyse des inégalités d’accès au volant montre que l’indépendance de déplacements permise par l’accès régulier et autonome à l’automobile n’est pas encore garantie pour tous. Elle est prioritairement attribuée aux hommes et elle reste très dépendante du revenu (Graphique 52, Graphique 53). En milieu de cycle de vie, seul un tiers des femmes du 1er quintile accèdent régulièrement au volant contre 64 % de leurs homologues masculins (respectivement 87 % et 92 % pour le dernier quintile). Les inégalités inter-genres observées ne résultent pas uniquement de différentiels d’accès au permis de conduire.

Parmi les titulaires du permis, l’accès effectif au volant est nettement plus systématique pour les hommes que pour les femmes. Au sein de cette catégorie, 63 % des femmes de 25-59 ans appartenant au 1er quintile conduisent régulièrement contre 85 % des plus aisées (respectivement 75 % et 93 % pour les hommes). Ces inégalités verticales d’accès effectif au volant contribuent à différencier les probabilités d’insertion ou de réinsertion professionnelle des chômeurs, à limiter le choix des actifs quant au type d’emplois exercés et elles participent au sentiment d’exclusion sociale et spatiale des femmes au foyer. Ce n’est que pour les hommes actifs et pour les jeunes hommes de 18-24 ans qu’elles sont imperceptibles.

Si les inégalités intergénérationnelles qui se traduisent par un moindre accès au volant des femmes se sont très largement réduites ces dernières décennies, le différentiel homme-femme n’a pas totalement disparu même parmi les plus jeunes car il demanderait une bi-motorisation généralisée des ménages. En effet l’analyse précédente a montré que lorsque la voiture est en partage au sein du ménage, les conventions qui règlent les modalités d’attribution se font très nettement en faveur des hommes. En résumé, le renouvellement des générations contribue incontestablement à réduire les inégalités horizontales et verticales d’accès au volant, sans pour autant conduire à leur disparition.