2.1.1.2. Analyse et mesure des inégalités

Des inégalités liées au choix de l’établissement scolaire

Dans l’agglomération lyonnaise, qu’ils habitent dans le centre ou en périphérie, qu’ils soient garçons ou filles, les scolaires ont des niveaux de mobilité, exprimés en nombre de déplacements qui ne varient pas en fonction du revenu par UC de leur ménage. L’impact du revenu se manifeste essentiellement, chez les écoliers et les collégiens, par une élévation des distances parcourues et des vitesses de déplacement qui favorise le recours aux accompagnements en voiture lorsque les revenus augmentent (Tableau 37).

Tableau 37 : Niveaux de mobilité et usage des principaux modes selon le revenu
  Ecoliers Collégiens Lycéens
  Q1 Q5 Q1 Q5 Q1 Q5
Distance domicile-école (km) 0,8 1,8 1,7 3,2 5,1 5,4
Niveaux de mobilité
Nombre de déplacements
Distance (km)
Budget-temps (mn)
Vitesse (km/h)

3,4
4,6
39
7,1

3,3
6,7
34
10,0

3,7
6,3
61
6,9

3,5
9,5
53
10,7

3,6
12,7
80
9,5

3,7
13,4
77
10,5
Comportements modaux (%)
Marche à pied
Voiture passager

74
21

48
49

65
13

41
40

38
8

31
24

Source : EMD de Lyon 1994-1995

Ces disparités sont pour partie liées à des distances domicile-école qui augmentent du 1er au dernier quintile. En effet, l’aire de fréquentation des établissements scolaires par les enfants des ménages moyens et surtout aisés déborde souvent la limite du quartier tandis que les élèves des ménages à bas revenu sont le plus souvent scolarisés dans l’établissement le plus proche du domicile. Dans un contexte économique marqué par le chômage de masse, la recherche de l’établissement le plus apte à servir la réussite scolaire de leurs enfants, conduit nombre de parents à développer de multiples stratégies de contournement de la carte scolaire ou à scolariser leurs enfants dans le privé. La multimotorisation des ménages facilite ces pratiques sélectives qui s’adressent de fait aux ménages moyens ou aisés. La plus grande proximité des établissements scolaires pour les plus modestes s’explique sans doute aussi par la plus forte densité des lieux d’habitat collectif comparativement au tissu beaucoup moins dense des zones d’habitat pavillonnaire dans lesquelles résident en général les scolaires plus aisés. Ainsi, au primaire, seuls les écoliers des ménages du 1er quintile, qui représentent plus de 27 % des écoliers, se distinguent des autres par des niveaux de déplacements et des accompagnements en voiture inférieurs ; dès le 2ème quintile, la mobilité des écoliers devient complètement indépendante du revenu. Chez les collégiens le rééquilibrage par le haut des niveaux de mobilité et des accompagnements n’est perceptible qu’à partir du 3ème quintile.

En devenant plus autonomes et aussi plus « flexibles » dans leur emploi du temps, les lycéens deviennent moins dépendants de leurs parents pour se déplacer, même si les plus aisés se font toujours plus souvent accompagner que les autres (Tableau 37). Parallèlement, la moindre densité spatiale des lycées introduit moins de différenciations concernant les distances parcourues. Les disparités sociales ne disparaissent pas pour autant, pour les lycéens, elles se reflètent dans la localisation de l’établissement scolaire qui devient un puissant marqueur social. Près des trois quarts des lycéens du dernier quintile fréquentent un établissement du centre de l’agglomération contre 56 % des plus modestes. Plus précisément on notera que 42 % des jeunes des ménages aisés sont scolarisés dans les arrondissements les plus centraux de Lyon contre 23 % des lycéens du 1er quintile. Ces variations se reflètent dans la fréquence des navettes entre le centre et la périphérie qui est positivement corrélée au revenu. Si les différences interquintiles restent tout à fait marginales chez les plus petits (de 4% à 7 % des déplacements du 1er au dernier quintile), elles gagnent de l’importance au collège - les plus aisés réalisent deux fois plus de navettes- tandis qu’au lycée elles représentent le tiers des déplacements des plus aisés contre 19 % chez les plus modestes.

Outre les disparités liées au choix de l’établissement scolaire, on constate que les écoliers et les collégiens les plus aisés ont une mobilité plus diversifiée que ceux des ménages modestes. La place accordée aux loisirs extérieurs au domicile est sensiblement plus élevée lorsque les revenus du ménages sont importants (de 13 % à 21 % des déplacements du 1er au dernier quintile chez les écoliers, respectivement 13 % et 24 % au collège). En revanche, au lycée les programmes d’activités quotidiens sont relativement indépendants du revenu.