2.1.3. En résumé : des inégalités liées au « choix » du lieu d’étude et de localisation

Les inégalités verticales qui pèsent sur la mobilité des enfants apparaissent très dépendantes des choix de localisation (résidentielle, mais aussi des établissements scolaires) des parents, ces choix étant eux-mêmes largement liés à la situation financière du ménage.

Les inégalités de mobilité quotidienne se traduisent chez les écoliers et les collégiens par des distances et des vitesses de déplacement croissantes avec le revenu justifiant le recours régulier aux accompagnements en voiture, ainsi que par un accès aux lieux centraux d’autant plus fréquent que les revenus sont importants, en particulier pour les lycéens (Graphique 56). Nos analyses semblent confirmer que la mobilité des enfants et des adolescents les plus favorisés « est à la fois ouverte, puisque se déployant largement et selon toutes les techniques sur l’ensemble du territoire (pour l’accès aux équipement scolaires « désectorisés », aux activités extra-scolaires, etc…) et fermée puisque éminemment affinitaire » [Offner, 1989].

Au-delà des différentiels de densité résidentielle qui expliquent une partie du phénomène, chez les scolaires, les inégalités de mobilité quotidienne dépendent du choix socialement déterminé de l’établissement scolaire. L’éloignement du lieu d’étude se trouve ainsi positivement corrélé au revenu. Plus le ménage a une situation élevée dans la hiérarchie sociale, plus le choix dont il dispose est large : meilleure information sur les établissements, accès à l’enseignement privé, stratégies de contournement de la carte scolaire. Cette étendue des alternatives est rendue possible grâce à la multimotorisation des ménages facilitant les accompagnements en voiture des enfants et contribuant ainsi à la mise en concurrence de l’offre urbaine en matière éducative notamment [Wiel, 1999]. A l’inverse, les enfants les plus modestes sont rarement scolarisés dans un autre établissement que leur établissement de secteur. Les inégalités de niveaux et de comportements de mobilité quotidienne, particulièrement notables chez les écoliers et les collégiens, se renforcent encore en périphérie.

Au lycée, la moindre densité des établissements scolaires contraint tous les élèves à s’éloigner de leur domicile, indépendamment des revenus familiaux. Les inégalités de niveaux de mobilité se réduisent ainsi considérablement. En outre, même si les accompagnements restent positivement corrélés au revenu, leur importance est mineure puisque les déplacements se font plus fréquemment en transports en commun. De fait, en s’émancipant de leurs parents, les jeunes gagnent de l’autonomie dans leurs déplacements et ont une mobilité relativement indépendante des revenus familiaux. Toutefois les inégalités de mobilité ne disparaissent pas complètement, elles restent très significatives concernant la répartition spatiale des déplacements car les lycéens les plus aisés se caractérisent par un très net plébiscite des établissements scolaires les plus centraux.

Graphique 56 : Indices de concentration des indicateurs de mobilité des scolaires

Note : Cette représentation Graphique permet de visualiser les inégalités de mobilité des scolaires en fonction du revenu par UC. Elle permet de positionner le niveau de ces inégalités par rapport aux inégalités de revenus et par rapport à une situation d’égalité parfaite

Source : EMD de Lyon 1994-1995

Lorsqu’ils deviennent étudiants, deux options s’offrent aux enfants des ménages les plus aisés résidant en périphérie : soit quitter le domicile familial pour s’installer à proximité dans le centre, soit rester chez leurs parents et se motoriser. Les deux sont coûteuses pour eux-mêmes ou pour leur famille. Cette alternative ne s’offre pas aux étudiants les plus modestes. Ainsi contrairement aux constats formulés chez les scolaires, les étudiants des ménages à bas revenu, se caractérisent par un plus grand éloignement du lieu d’étude. Dépendants de la localisation résidentielle de leurs parents et accédants moins facilement au volant, ils se trouvent doublement pénalisés. Ces étudiants supportent des conditions de déplacements difficiles : ils doivent parcourir des distances importantes et par voie de conséquence y consacrer plus de temps que les autres. Ainsi les inégalités verticales de mobilité des étudiants résultent principalement d’une inégalité en amont concernant les opportunités de choix de localisation résidentielle.