3. En conclusion : au quotidien, l’automobilité au cœur des inégalités

En conclusion et avant de passer à l’examen des pratiques de mobilité de fin de semaine, nous souhaiterions revenir sur quelques points fondamentaux de l’analyse.

3.1. Un impact limité du niveau de vie des ménages

La mobilité quotidienne apparaît comme une demande dérivée des activités qui en semaine sont très largement structurées autour des déplacements liés à l’emploi et à l’intendance ménagère. Les jours de semaine, la rigidité des programmes d’activités a pour conséquence une relative homogénéité des pratiques de mobilité, les inégalités de niveaux et de comportements de mobilité sont donc relativement faibles. Il semble que les contraintes économiques et sociales qui pèsent sur les individus « s’effacent » devant l’obligation pour tous de se déplacer. Lorsqu’elles existent les inégalités se matérialisent sur les motifs de déplacements les moins contraints, c’est pourquoi elles sont plus prononcées parmi les individus n’exerçant pas d’activité professionnelle.

Ce nivellement apparent des pratiques de mobilité renvoie très probablement à des degrés de contraintes d’organisation variables et plus ou moins intériorisés selon la position des individus dans la hiérarchie sociale, qu’une approche qualitative permettrait de mieux cerner. Ces résultats laissent également penser que les coefficients budgétaires des dépenses consacrées à la mobilité quotidienne sont très discriminés selon le niveau de vie du ménage. Ces différences peuvent être en partie masquées par les dépenses générées par la mobilité plus libre de vacances ou de loisirs. Néanmoins, les calculs de Froud et al. [2000] à partir de l’enquête « Budget de famille » de 1995, montrent que les foyers du 1er quintile consacrent 16 500 F par an (2515 € par an) à leur automobile, soit 2,7 fois moins que les ménages du dernier quintile 1 . Cette dépense représente néanmoins 23 % de leur budget (contre 11 % pour le dernier quintile) 2 .

A partir d’une reconstitution des dépenses que les foyers de l’agglomération lyonnaise consacrent à leurs déplacements quotidiens, Nicolas et al. [2001] montrent que la part du budget consacrée aux déplacements urbains est la même pour les ménages à bas revenu disposant d’une voiture et pour les ménages de revenus moyens bimotorisés, ce qui freine considérablement toutes possibilités de multi-équipement au sein des foyers modestes. Les auteurs montrent que parmi les ménages rattachés au tiers le plus modeste de la population, le revenu moyen par UC est croissant en fonction du nombre de voitures possédées, de sorte que le surplus de revenu disponible est en quasi totalité absorbé par la voiture : « tout se passe comme si l’accès à la motorisation devient prioritaire pour les ménages à bas revenu dès lors qu’ils disposent d’un minimum de revenu » [Nicolas et al., 2001, pp. 107-108].

Notes
1.

Notons que ces évaluations n’intègrent pas les différences dans la composition des ménages - rien n’indique en effet qu’il s’agisse de quintiles de revenu par UC - ce qui relativise un peu les écarts.

2.

A titre comparatif, le même calcul estime à 31,5 % la part que les ménages britanniques du 1er quintile consacre à l’automobile contre 11,6 % pour le dernier quintile, traduisant une dépendance accrue à l’égard de l’automobile. Les estimations effectuées parmi les ménages américains montrent des coefficients budgétaires semblables à ceux observés en France malgré des coûts d’usage et d’achat plus faibles, qui se traduisent vraisemblablement par un niveau de motorisation plus important et un usage plus intensif de l’automobile.