3.2. Le rôle central de l’accès au volant

Au quotidien l’inégalité de mobilité qui ressort le plus clairement a trait aux différentiels d’accès au volant selon le revenu et le genre. Le non-accès au volant est plus ou moins choisi ou subi selon le revenu : il apparaît comme un choix forcé pour les individus des ménages à bas revenu, et se traduit par des niveaux de mobilité faibles et inférieurs à la moyenne. Leurs déplacements sont souvent réduits aux activités les plus essentielles. En revanche, les individus aisés n’accédant pas au volant se caractérisent par un mode de vie citadin, basé sur la proximité et la centralité.

Nous l’avons vu, les inégalités de mobilité quotidienne des adultes sont directement dépendantes des possibilités d’accès au volant. Dès lors que cet accès est garanti, on ne note pas de différences significatives dans l’usage du véhicule : les plus aisés utilisent aussi fréquemment la voiture que les plus modestes et ont des niveaux de déplacements similaires. Parmi les actifs et les chômeurs accédant au volant, on observe une uniformisation des niveaux et des comportements de mobilité. Ainsi pour les individus dont l’emploi du temps est gouverné par la rigidité des activités quotidiennes, le revenu apparaît peu discriminant dans les pratiques de mobilité, dès lors qu’ils accèdent au volant. En revanche parmi les non-accédants au volant, les inégalités de mobilité quotidienne sont toujours plus importantes (à l’exception des plus âgés).

L’uniformisation des pratiques de mobilité est cependant plus nuancée parmi les accédants au volant n’exerçant pas d’activité professionnelle. Dans cette sous-population, les inégalités de mobilité quotidienne, plus faibles qu’au niveau global ne disparaissent pas complètement. Chez les femmes au foyer ayant la possibilité de conduire, les inégalités diminuent considérablement mais se maintiennent tant sur les niveaux, qui restent inférieurs chez les plus modestes, que sur les comportements. Les plus aisées utilisent toujours plus fréquemment la voiture et ont une mobilité plus diversifiée et moins tournée vers la sphère domestique. De même, parmi les retraités accédant au volant, les écarts entre quintiles extrêmes se maintiennent : les plus aisés se déplacent en moyenne plus souvent, sur des distances plus longues. Cela tient pour l’essentiel à l’absence d’activité professionnelle qui réintroduit plus de variabilité dans les activités quotidiennes de semaine. L’organisation plus « libre » des emplois du temps trahit le poids des appartenances sociales et culturelles. Ainsi, la disposition régulière d’un véhicule s’intègre de manière différenciée dans la vie quotidienne des individus.

En résumé, il semble que les vertus homogénéisatrices de l’accès autonome et régulier à la voiture particulière varient selon le niveau de contraintes pesant sur les déplacements. On retiendra néanmoins que l’analyse des inégalités de mobilité quotidienne conduit indéniablement à poser la question de l’accès à la voiture particulière des plus modestes, ce qui soulève également des interrogations quant à la durabilité d’un tel système.