3.4. Des modes d’appropriation de l’espace différenciés

L’analyse de la mobilité quotidienne des scolaires est propice à l’observation du mode d’appropriation de l’espace et des pratiques de mobilité qui en résultent. Parmi les classes moyennes et aisées cette appropriation se fera de manière sélective, en fonction des équipements scolaires ou extra-scolaires choisis grâce aux possibilités d’accompagnements ; la mobilité qui en découle ignore le voisinage et se caractérise par une bonne maîtrise des territoires chez les scolaires les plus aisés. Chez les ménages à bas revenu, elle passe par une fréquentation de l’espace en cercles de plus en plus larges autour du domicile, du fait de la moindre densité des établissements scolaires de l’école au supérieur. Cette manière différenciée d’investir l’espace oppose très tôt une « culture de la proximité » chez les ménages les plus modestes à une « culture de la mobilité » chez les plus aisés. Ces variations déterminent très jeunes des modes d’investissement de l’espace contrastés qui constituent un puissant facteur de différenciation sociale tout au long du cycle de vie.

Quelle que soit la position dans le cycle de vie, l’insertion spatiale des modes de vie est plus souvent basée sur une logique de proximité lorsque les revenus sont faibles. Pour certains groupes, notamment les femmes au foyer modestes, accédant ou non au volant, les situations de repli sur les territoires connus, proches du domicile confèrent à une forme d’enfermement spatial (70 % des déplacements sont effectués à proximité du domicile). Ces femmes voient leur journée rythmée par les horaires de leurs enfants et sont souvent forcées de ne pas trop s’éloigner du domicile. Ces pratiques circonscrites s’expliquent aussi par l’absence d’autorisation morale à quitter l’environnement résidentiel qui reste sur le registre familial en l’absence d’activité professionnelle [Coutras, 1993].

La géographie des flux de déplacements accuse également une préférence pour le centre de l’agglomération croissante avec les revenus, même lorsque les individus résident en périphérie. Enfin, l’orientation des déplacements des individus est moins monotone lorsque les revenus augmentent.