Chapitre 6 : A longue distance : mobilités plurielles, inégalités structurelles

Ce chapitre se propose d’achever notre travail d’identification et de mesure des inégalités de mobilité en se focalisant sur la mobilité de longue distance 1 . Entre 1982 et 1994, dates des deux dernières enquêtes nationales transport Insee-Inrets, la mobilité de longue distance (tous motifs confondus) est celle qui a connu la croissance la plus importante, en termes de déplacements (+67 %) comme de distances parcourues (+107 %) ; sur la même période, l’évolution de la mobilité locale de semaine et de fin de semaine a été nettement plus modérée (respectivement de +11 % et +13 % sur le nombre de déplacements et +33 % et +34 % sur les distances) [Orfeuil et Soleyret, 2002].

La mobilité à longue distance revêt certaines spécificités qu’il convient de rappeler :

Il s’agit d’une mobilité occasionnelle et choisie, qui relève le plus souvent de décisions collectives, engageant l’ensemble du ménage. Dans ce travail seuls les motifs personnels (sociabilité, vacances, loisirs ou autres affaires personnelles), qui représentent plus des trois quarts des voyages (77 %), seront pris en compte.

C’est une mobilité coûteuse (coût de transports, éventuellement d’hébergement et d’accès aux activités) qui, au-delà des moyens financiers, mobilise également du temps et des capacités d’organisation et de planification.

Différentes études soulignent le rôle intégrateur des mobilités de loisirs et de vacances qui, tout en ayant connu une forte démocratisation, admettent encore d’importantes inégalités financières et culturelles [Potier et Zegel, 2002 ; Viard, 2002 ; Yonnet, 1999 ]. Les enquêtes réalisées par l’Insee montrent que le manque de revenu reste le principal obstacle au départ en vacances : au cours de la saison 1998-1999, par exemple, 58 % des personnes du 1er décile ne sont pas parties en vacances contre 15 % des personnes du dernier décile [Rouquette, 2001]. Ces inégalités sont porteuses d’enjeux importants 1 dans un contexte marqué par le rééquilibrage des temps en faveur des temps hors travail. Les voyages personnels (week-end, vacances, excursions) sont progressivement intégrés comme de nouvelles normes sociales, d’où la difficulté pour ceux qui en sont exclus d’assumer la situation [Mothé, 1999].

Dans ce chapitre nous proposons d’évaluer les incidences du revenu sur la fréquence des voyages, les distances parcourues et les durées d’absence. L’impact des ressources financières sur le type d’activités pratiquées à plus de 100 km du domicile sera également présenté. L’analyse est menée à partir des données de l’enquête nationale transport, réalisée entre mai 1993 et avril 1994.

Notes
1.

Les déplacements de longue distance correspondent aux déplacements intervenant dans un périmètre de plus de 100 km du domicile.

1.

Un rapport du Conseil National du Tourisme liste quatre types d’enjeux : un enjeu légal (loi de 1998 relative à la lutte contre les exclusions), un enjeu de cohésion sociale et de prévention des exclusions, un enjeu de justice sociale, un enjeu de développement personnel (développement de la mobilité, renforcement des liens sociaux et familiaux, acquisition d’autonomie et de compétences transférables dans d’autres cadres, développement de l’estime de soi).