Le niveau d’études de la personne de référence est un indicateur synthétique reprenant en grande partie les effets liés au revenu. Cet indicateur opère également un tri générationnel des individus, les nouvelles générations étant de plus en plus diplômées 1 . Afin d’appréhender plus finement l’effet propre du niveau d’études, nous analysons donc ci-dessous les fréquences des voyages à longue distance et les kilomètres parcourus parmi les individus situés en milieu de cycle de vie, à quintile de revenu déterminé (Graphique 89, Graphique 90).
Source : ENT 1993-1994, agglomérations d’au moins 20 000 habitants, hors agglomération parisienne et rural
Les effets du revenu et du niveau d’études sont cumulatifs et indépendants. Un faible niveau de revenu de même qu’un faible niveau d’études diminuent la mobilité de longue distance. Les explications par le revenu se montrent donc insuffisantes pour cerner les ressorts de la mobilité à longue distance. En effet, les résultats ci-dessus confirment l’existence d’un effet spécifique et cumulatif du niveau d’études. Ils permettent d’apporter les appréciations suivantes :
En résumé, tout semble se passer comme si l’appartenance à un milieu fortement doté culturellement jouait un rôle de pression sociale sur les individus, conduisant à une relative conformité de la fréquence des voyages en dépit de ressources financières variables. A l’inverse un faible niveau d’études constitue une réelle disqualification dans la réalisation d’une mobilité de longue distance, souvent même en dépit de ressources économiques favorables. Les contraintes financières ne sont donc pas le seul obstacle à la mobilité à longue distance. Celle-ci fait appel à de véritables savoir-faire (expérience des voyages, connaissance de l’offre, capacité à mobiliser un réseau de sociabilité facilitant l’accès à l’hébergement non-marchand…) qui excluent souvent les moins diplômés. Ces derniers ont une autonomie réelle, à défaut d’être formelle, plus réduite pour se déplacer à longue distance indépendamment de leur revenu. Mais on peut évoquer aussi le désir de partir, qui s’il est supposé universel, peut être moins présent chez ceux ne possédant pas de « culture du tourisme » et qui sont souvent les moins dotés en capital culturel. Ainsi, une faible mobilité de longue distance ne doit pas être interprétée uniquement comme un signe de privation ou de renoncement [Urbain, 2002]. C’est ce que semblent indiquer les niveaux de mobilité réduits des moins diplômés de revenu élevé.
Pour voyager, il ne suffit pas de disposer d’un revenu important, un faible niveau culturel peut représenter un véritable frein. La prise en compte de cette double capacité (financière et culturelle) dans l’analyse des inégalités de mobilité de longue distance se heurte toutefois à d’importants problèmes de représentativité dès lors que l’on s’affranchit, même partiellement, des effets d’autres variables socio-démographiques. Ainsi à l’intérieur de groupes relativement homogènes, définis par la typologie présentée précédemment, il est difficile, voire impossible de mener une analyse conjointe des effets du revenu et du niveau d’études. Cette incapacité constitue sans aucun doute une limite majeure de notre travail, néanmoins une décomposition trop fine des sous-groupes d’individus engendre un brouillage des conclusions tout aussi néfaste à la mise en évidence de tendances robustes. Le croisement des deux variables résumant le capital économique et le capital culturel sera néanmoins présenté dès que les effectifs le permettront.
Pour illustrer l’importance de ces liaisons, on notera qu’un quart des individus rattachés à un ménage de niveau d’études primaire appartiennent au premier quintile tandis que 46 % des individus rattachés à un ménage de niveau d’études supérieur appartiennent au dernier quintile de revenu. 54 % des individus appartenant à un ménage de faible niveau d’études ont plus de 60 ans, à l’inverse les individus des ménages les plus diplômés sont sur-représentés parmi les moins de 35 ans.