2.1.1. Des contraintes variables selon le type de mobilité

Tout d’abord, notre travail a permis de montrer que la hiérarchie des niveaux de mobilité respecte la hiérarchie des revenus, en d’autres mots, les individus les plus aisés sont aussi les plus mobiles. Toutefois, si les disparités sont perceptibles sur toutes les composantes de la mobilité, ce sont les pratiques de longue distance qui participent le plus au creusement des écarts entre individus situés à l’extrémité de l’échelle des revenus.

Au quotidien, devant l’obligation de tous de se déplacer (pour le travail, les études, l’alimentation…), les pratiques de mobilité sont, pour une grande majorité des individus, assez peu sensibles au revenu. Sur l’ensemble de la population, les écarts observés entre quintiles extrêmes varient dans un rapport de 1 à 1,1 pour le nombre de déplacements et de 1 à 1,4 pour les distances parcourues et les vitesses. Les inégalités qu’il est possible de déceler s’opèrent par le bas, car malgré l’importance des contraintes spatio-temporelles qui participent au nivellement des pratiques, certains individus demeurent à l’écart de cette tendance moyenne. Il s’agit souvent d’individus très démunis, sans activité professionnelle.

Les pratiques de mobilité apparaissent nettement plus distinctives lorsque les choix existent : choix dans la réalisation ou non de l’activité, choix du type d’activités, du lieu, de la période… Ainsi lorsque le contexte est plus « libre », la sensibilité au revenu des déplacements s’accroît. Les déplacements de fin de semaine restent relativement encadrés par les achats, le travail ou les études, en particulier le samedi. Le week-end, l’impact du revenu se manifeste essentiellement dans des pratiques très différenciées de mobilité non locale. Tous types de déplacements confondus (locaux et non locaux) les individus du dernier quintile se déplacent 1,7 fois plus souvent et parcourent 2,4 fois plus de kilomètres que ceux du premier quintile.

Quant aux voyages de longue distance, effectués chaque année pour motifs personnels, nous avons mis en évidence qu’ils demeuraient très fortement liés aux ressources monétaires du ménage. Sur ce segment de la mobilité, les écarts entre quintiles extrêmes varient dans un rapport de 1 à 2,9, de 1 à 3,3 et de 1 à 2, concernant respectivement le nombre de voyages, les distances parcourues et le nombre de nuits d’absence. Pour ce type de déplacements, les inégalités s’opèrent par le haut dans la mesure où les niveaux de mobilité des plus aisés se distinguent très nettement de ceux des classes moyennes. Bien que les week-ends, les vacances, les courts séjours en France ou à l’étranger, sont perçus comme de nouvelles normes sociales, ces pratiques restent le terrain d’expression privilégié des classes aisées.

Ainsi il en va de la mobilité comme d’un bien de consommation dérivé, dont la nature changerait en fonction des activités qu’elle permet d’accomplir. En raisonnant par analogie, la mobilité locale de semaine apparaît comme une consommation de première nécessité tandis que la mobilité de longue distance de fin de semaine ou annuelle fait encore partie des consommations dites « supérieures ». Les effets du revenu sur les pratiques de déplacement sont donc hétérogènes et ils se donnent à voir très différemment selon les segments de la mobilité analysés.