2.1.2. Des contraintes variables selon l’étape du cycle de vie

Le raisonnement autour de la thématique « contraint / non contraint » permet également d’interpréter l’impact du revenu, une fois le champ d’analyse circonscrit à un segment particulier de la mobilité.

En semaine, l’incidence du revenu varie en fonction de la plus ou moins forte rigidité des programmes d’activités qui dépend de l’âge, des étapes du cycle de vie et de la situation professionnelle des individus. C’est en partie parce que les emplois du temps quotidiens des retraités sont les plus « libres » qu’on observe une corrélation étroite entre le revenu et leurs pratiques de mobilité. Le poids des appartenances sociales sur la structure des déplacements est particulièrement visible chez les jeunes retraités, du fait des habitudes et des expériences accumulées qui cristallisent les inégalités socio-économiques de départ. L’âge allant, l’accumulation de handicaps de toutes sortes (physiques, psychiques, isolement relationnel… ) gomme progressivement les inégalités de mobilité en réduisant les opportunités de déplacement du plus grand nombre.

La comparaison entre les pratiques de semaine des actifs et des femmes au foyer, appartenant à la même tranche d’âge, offre également une bonne illustration de ce résultat. Pour les actifs, rejoindre chaque jour le lieu de travail est une nécessité « économique », de fait les pratiques de mobilité apparaissent relativement indifférenciées. En revanche, chez les femmes au foyer, si les tensions spatio-temporelles qui pèsent sur les déplacements sont bien réelles, notamment lorsqu’il s’agit d’accompagner les jeunes enfants, leurs emplois du temps demeurent davantage modulables. C’est pourquoi l’impact du revenu sur les pratiques de mobilité de ce sous-groupe est plus significatif que chez les actifs. Le niveau de vie du ménage définit le degré de liberté qui régit l’organisation des modes de vie des femmes au foyer. Il oriente les possibilités d’accès à la mobilité motorisée et par là même, le choix du (ou des) lieux d’approvisionnement, le choix de l’établissement scolaire des enfants, choix souvent réduits à l’offre de proximité pour les plus modestes. Il influe également sur la fréquence des loisirs extérieurs au domicile, etc... Ainsi, dans toutes les dimensions de leur vie (familiale, sociale, et personnelle), les plus démunies disposent de marges de manœuvre réduites.

En fin de semaine, la hiérarchisation de l’impact du revenu sur les mobilités des différents groupes de cycle de vie est assez similaire à celle observée en semaine. Le revenu reste globalement plus discriminant sur les pratiques des inactifs que des actifs. Pour tous, son influence est plus significative du fait de l’importance croissante du temps « hors contraintes ».

Enfin, l’analyse des inégalités de mobilité de longue distance réalisée annuellement pour motifs personnels nous a conduit à considérer les individus selon le type de ménage d’appartenance. Sur ce segment de la mobilité, les freins financiers touchent les ménages à chaque étape du cycle de vie et ils se doublent de « freins culturels » plus on moins importants selon la génération d’appartenance. Toutefois si l’étude des pratiques de mobilité à longue distance fait émerger de nouvelles problématiques, la compréhension du rôle du revenu ne s’écarte pas complètement du schéma d’explication précédent. C’est en effet parmi les jeunes retraités qui disposent de plus de temps libre et qui ont encore la capacité physique d’en tirer profit que les inégalités sont les plus fortes. En milieu de cycle de vie, les voyages réalisés par les familles sont les plus dépendants du revenu et cela tient aux coûts financiers importants liés au départ d’une famille en vacances, renforcés par le respect des rythmes scolaires qui limite les occasions d’absence aux périodes les plus coûteuses.