2.2.1. Des conditions d’accès différenciées

Pour commencer, il convient de rappeler que la relation à l’automobile varie selon le segment de mobilité considéré. Durant la semaine, les emplois du temps étant les plus individualisés, c’est la possibilité effective de conduire régulièrement une voiture qui est déterminante. Le week-end, en dépit de meilleures possibilités d’accompagnement en voiture, l’accès individuel au volant reste le facteur qui influe le plus sur les pratiques. Le rapport à l’automobile change pour ce qui concerne les voyages pour motifs personnels. Dans ce cas, l’enjeu porte sur l’équipement ou non du ménage. En effet, les ménages non motorisés apparaissent manifestement et durablement à l’écart des pratiques de longue distance. L’absence de voiture particulière au sein du ménage traduit également pour le plus grand nombre un manque de revenu pour voyager. Cependant, parmi les ménages équipés, les pratiques de longue distance restent fortement différenciées.

L’indicateur d’accès effectif au volant montre que la part des accédants varie globalement entre 37 % et 78 % du premier au dernier quintile. Ce différentiel est encore plus accentué parmi les retraités, alors qu’il se réduit très fortement parmi les actifs (entre 66 % et 88 % d’accédants entre les deux extrémités de la hiérarchie des revenus). En matière d’équipement automobile des ménages, on constate que 53 % des ménages du premier quintile disposent d’une voiture particulière contre 96 % des foyers les plus aisés. Cependant, si les situations de non-équipement ne sauraient s’expliquer exclusivement par le manque de revenu (les effets d’âge et de génération jouent également), nous avons pu mettre en évidence qu’en milieu de cycle de vie, elles concernent pour l’essentiel des ménages économiquement vulnérables (cf. Chapitre 3). Ainsi, parmi les ménages dont la personne de référence est âgée de 25 à 59 ans, un tiers des foyers appartenant au premier quintile ne sont pas équipés contre seulement 2 % des plus aisés.

La conduite automobile, déterminante dans les pratiques de semaine, creuse les écarts entre accédants et non-accédants. En permettant de mieux gérer les tensions qui gouvernent les emplois du temps, elle élargit considérablement le champ des possibles. Ce faisant, on aurait pu s’attendre à une plus forte influence du revenu sur les pratiques de mobilité des individus accédants. En réalité il n’en est rien, nos analyses ont en effet montré que les inégalités de mobilité sont significativement plus réduites parmi ceux qui disposent d’un accès effectif au volant. Le revenu discrimine mieux les pratiques de mobilité de semaine des non-accédants.

Le non-accès au volant est plus ou moins subi selon les revenus : il se traduit par un mode de vie citadin garantissant une bonne accessibilité aux lieux pour les plus aisés, mais par une fréquence plus faible des déplacements parmi les plus modestes. Ainsi si les plus riches semblent s’en passer, les plus pauvres n’accédant pas au volant rencontrent quotidiennement des difficultés dans leurs déplacements.

Au bilan, on retiendra que les inégalités de mobilité de semaine et de fin de semaine sont toujours plus fortes parmi ceux qui ne peuvent conduire régulièrement. L’automobile joue comme un réducteur d’inégalités en matière de mobilité locale.