1.3. Le modèle à processeurs

Gombert (1997a) propose une version française du modèle de Seidenberg et McClelland (1989a et b). Fayol et Gombert (1999) l’enrichissent en intégrant les 4 processeurs lors du traitement d’une information à lire ou à écrire par un individu bon identificateur et bon scripteur : le processeur orthographique, le processeur phonologique, le processeur sémantique et le processeur contextuel.

Figure 1: Illustration des processeurs et des flux d’informations intervenant entre eux au cours des traitements en lecture et en écriture chez les experts (d’après Fayol & Gombert, 1999)
Figure 1: Illustration des processeurs et des flux d’informations intervenant entre eux au cours des traitements en lecture et en écriture chez les experts (d’après Fayol & Gombert, 1999)

Pour caractériser ce que l’on entend par processeur, nous reprenons un ensemble de définitions et d’explications fournies par divers auteurs. Un processeur est caractérisé par référence au type d’informations linguistiques traitées (Segui & Beauvillain, 1988). Besse et al. (2004) expliquent que « par analogie avec un circuit informatique, on fait l’hypothèse, en psychologie, que notre système cognitif serait composé d’unités activées de manière spécifique, mais interconnectées, à l’instar d’un processeur. « … » Une unité traiterait, par exemple, les caractéristiques phonologiques des mots et activerait les connaissances en mémoire » (p.171). Le processeur phonologique peut être entendu comme l’ensemble des représentations phonologiques infralexicales sous forme de phonèmes ou groupes de phonèmes (Seymour, 1986). Par analogie avec cette définition, nous proposons de considérer le processeur orthographique comme ce qui rassemble des représentations orthographiques infralexicales sous forme de graphèmes ou de groupes de graphèmes. Selon le modèle présenté ici, en dehors du processeur contextuel, les autres processeurs interagissent. Dans ce cadre, le processus peut être considéré comme permettant la transmission de l’activation d’un processeur à un autre (Gombert, 1997a), il correspond au flux de l’information entre les unités.

Nous nous appuyons préférentiellement sur cette dernière architecture. C’est la raison pour laquelle nous ne raisonnerons pas dans notre questionnement en termes de procédure d’adressage et d’assemblage. Dans cette présente étude, nous cherchons à déterminer si les sujets sont en mesure de réaliser un mode de traitement de type graphophonologique et de type phonographique, c’est-à-dire qui permet de répondre aux exigences du sous-principe phonographique. Comment définissons-nous un mode de traitement de type graphophonologique et de type phonographique ? Mais d’abord, pourquoi parler de mode de traitement ? Dans notre étude, qu’il s’agisse des concepts de processeur ou de processus cognitifs, l’architecture fonctionnelle à laquelle ils renvoient demeure inaccessible à l’observateur que nous sommes. Le mode de traitement doit être considéré comme une forme de mise en acte, de reflet, de la conceptualisation d’un sujet sur l’Ecrit. Ce terme de conceptualisation (Besse, 1993 ; Besse & ACLE, 2000 ; Besse, Gargiulo & Ricci, 2003 ; Ferreiro, 1988 ; Ferreiro & Gomez-Palacio, 1988 ; Jaffré, 1995 ; Fijalkow, 2000 ; Luis, 1993 ; Montesinos-Gelet, 1999) est essentiellement utilisé, dans la littérature relative au développement de la production écrite, pour évoquer le travail cognitif de pensée de l’enfant sur l’Ecrit. Ce travail se traduit par une activité conceptualisatrice qui englobe des représentations implicites et explicites que l’enfant a sur l’Ecrit (entre autres son fonctionnement et sa finalité) ainsi que les aspects structurels qui sous-tendent la logique des productions écrites. C’est un travail d’abstraction et de généralisation des principes qui régissent l’Ecrit. Le mode de traitement cognitif est une manifestation de l’activité conceptualisatrice. Il inclut une part d’activité cognitive inobservable mais également une part manifeste que nous appellerons au cours du développement la procédure observable.

En identification de mots, le mode de traitement graphophonologique correspond à une analyse effectuée selon les règles de fonctionnement du sous-principe phonographique, reposant sur les correspondances conventionnelles en français (y compris règles de position et de distribution graphémique) par activation de représentations infralexicales ou lexicales issues des processeurs orthographique et phonologique, sans que l’on puisse définir a priori la taille des unités sur lesquelles repose le traitement (syllabes graphiques, phonogrammes).

En production écrite de mots, le mode de traitement phonographique correspond à une analyse effectuée selon les règles de fonctionnement du sous-principe phonographique, reposant sur les correspondances conventionnelles en français (y compris règles de position et de distribution graphémique) et par activation de représentations infralexicales ou lexicales issues des processeurs phonologique et orthographique, sans que l’on puisse définir a priori la taille des unités sur lesquelles repose le traitement (syllabes phoniques, phonèmes).