2. La modélisation du fonctionnement « pathologique » en lecture et en écriture

La littérature scientifique sur la dyslexie traite de questions proches de notre objet. Dans un premier temps, nous ne distinguerons pas dyslexie phonologique et dysorthographie phonologique, bien que le traitement scientifique de ces deux activités supposées co-articulées mérite d’être débattu. Nous y reviendrons ultérieurement.

La dyslexie développementale phonologique se caractérise, chez l’enfant, par un trouble lié à l’installation de la procédure alphabétique 5 dans une activité de lecture (Casalis, 1997 ; Snowling & Hulme, 1992 ; Sprenger-Charolles & Casalis, 1996 ; Valdois, Passarotto, Coindre & Stauffert, 2000). Quant à la dysorthographie phonologique, elle « se caractérise par un déficit de la médiation phonologique (traitement alphabétique) » dans une activité de production écrite (Laplante, 2000).

Une recherche anglophone (Siegel & Faux, 1989 cités par Siegel, 1998) montre qu’à structure syllabique égale entre mots et pseudo-mots (par exemple CVC ou CCV), les mauvais lecteurs ne parviennent pas à lire des pseudo-mots alors que les mots ne les mettent pas en échec. Ceci tend à prouver que ce n’est pas la nature de la structure syllabique qui est déterminante lorsque l’on est en présence de difficultés en lecture mais le fait que le sujet doit ou non appliquer les règles de correspondance graphème-phonème pour lire le mot. Lorsqu’il lit, le mauvais lecteur n’utiliserait qu’une procédure de type lexical. « Il est possible que les enfants qui présentent des difficultés en lecture utilisent un genre d’accès lexical direct qui fonctionne pour la lecture des mots mais pas pour la lecture des pseudo-mots » (Siegel, 1998, p : 143).

Snowling et Hulme (1992) présentent le cas d’un enfant dyslexique phonologique qui aurait des difficultés spécifiques au niveau de la phonologie de sortie. Cet enfant, dont les performances en lecture de mots sont comparables à celle des enfants de même âge lexique, est mis en échec lors de la lecture de pseudo-mots. Les auteurs en concluent qu’il lit en utilisant une stratégie reposant sur des indices visuels et sémantiques, en l’absence de connaissances phonologiques généralisables. Le vocabulaire ne s’étend que grâce à un accès visuel de mots.

Enfin, Valdois et al. (2000) présentent le cas d’un enfant prénommé Florian, âgé de 11 ;9 ans, diagnostiqué dyslexique phonologique, sur la base de ses résultats significativement différents entre la lecture et l’écriture de mots réguliers et celles de pseudo mots. Florian obtient un score de 66% de pseudo-mots lus correctement contre 92% des items d’une liste appariée de mots réguliers lus correctement et un score de 62% d’items correctement écrits en écriture sous dictée de pseudo-mots. Les auteurs interprètent ces résultats comme le signe d’une atteinte sélective de la procédure analytique (terminologie utilisée par les auteurs pour parler de la procédure alphabétique).

A la suite de ces premiers résultats, plusieurs questions se posent. A quoi peuvent précisément correspondre une « procédure de type lexical » et un « accès visuel de mots » ? Comment l’atteinte sélective d’une procédure est-elle compatible avec un niveau de performances supérieur à la moyenne ? Pourquoi un sujet ne parvient-il pas à appliquer ces règles de correspondance graphème-phonème ?

Notes
5.

Nous respectons les terminologies « procédure alphabétique » ou « procédure par médiation phonologique » employées par les auteurs. Lorsqu’il s’agit de notre propre raisonnement, nous parlons de mode de traitement graphophonologique.