3.2. Les études auprès de l’adulte en situation d’illettrisme

Dans les travaux de Besse, Petiot-Poirson et Petit Charles (2003), la répartition de chaque individu entre les deux activités selon ses performances (de A1 à D7) fait apparaître que 43,24% des sujets présentent des résultats homogènes (même catégorie) contre 56,76% qui présentent un décalage. 11 sujets obtiennent des performances supérieures en production écrite par rapport à l’identification de mots, 10 se trouvent dans le profil inverse. Ce premier résultat peut paraître surprenant par rapport à celui de l’étude « Infirmation et Vie Quotidienne » menée par l’INSEE (Besse, 2004), dans laquelle la majorité des sujets interrogés ont obtenu de meilleurs résultats dans l’épreuve d’identification de mots que dans celle de production écrite de mots. Ce résultat peut, sans doute, s’expliquer par le fait que dans les travaux de Besse et al. (2003), les groupes sont établis sur la base du pourcentage de mots correctement orthographiés, pondérés par le nombre de mots effectivement produits, alors que dans l’enquête IVQ, le score est établi sur le nombre de mots à produire.

Par ailleurs, le niveau qui présente le moins de décalages est le niveau D (entre 80% et 100% de réussite) où les variations, quand elles existent, sont le plus souvent dans ce niveau : seulement 19,05% des sujets qui se situent une fois en D sur une activité, se situent à un niveau inférieur pour l’autre activité. Ces sujets ont acquis une certaine stabilité dans l’utilisation des sous-principes phonographique et morphographique en identification de mot comme en production écrite.

Enfin, ce sont les sujets qui se situent au moins une fois dans un des niveaux les plus faibles qui produisent les décalages les plus importants (exemple : A2 en lecture et C4 en production écrite ; A2 en production écrite et C5 en lecture). D’un point de vue méthodologique, ce constat prouve que chercher à déduire la réussite ou l’échec d’une des activités sur la base des résultats obtenus à l’autre activité ne reflète pas de façon fidèle la réalité, à plus forte raison lorsque les sujets sont très faibles. Les sujets de cette étude seraient à même de mettre en œuvre un mode de traitement relativement efficace (le profil C commence à 40% de réussite) dans une activité sans le reproduire pour l’autre activité. Se pose alors effectivement la question du transfert des connaissances d’une activité à l’autre. Cela pourrait signifier que le renforcement mutuel des modes de traitement propres à chacune de ces deux activités n’est pas systématique et nécessite l’intervention d’un phénomène cognitif particulier. Cette conception se rapproche des travaux de Piaget pour qui, le sujet, pour construire des notions apparemment très proches, ne peut procéder par simple transfert, et est obligé de repasser par les mêmes étapes pour chacune des notions (Piaget, 1979 ; Vermersch, 1979). Dans cette lignée, Clavel (1996) pense que la constitution de l’objet Ecrit unifié passe par la prise de conscience de la réversibilité des actions nécessaires à une activité pour la mise en œuvre de l’autre.