4. De la conscience phonologique à la conscience phonographique

Nous avons évoqué précédemment le fait que les procédures relatives au sous-principe phonographique nécessitent de se servir d’activités cognitives appliquées au domaine de l’oral. La littérature abonde en résultats tendant à prouver que chez l’enfant, si la procédure appelée alphabétique ne se met pas en place, la faute en incombe à la faiblesse du processeur phonologique (Ramus, 2002 ; Siegel, 1998 ; pour une revue de question voir Sprenger-Charolles & Casalis, 1996), lié en particulier à une conscience phonologique faible (Alegria, 1999 ; Rieben & Perfetti, 1989). Ce troisième volet est donc consacré aux travaux qui développent ce point de vue, ainsi qu’à ceux qui en relativisent la portée.

Au cours du développement, le langage oral est tout d’abord un moyen de communication, porteur de sens. Suivant la dénomination de Martinet (1960), on peut distinguer essentiellement deux articulations au langage oral, les monèmes, porteurs de signification et les phonèmes.Entrer dans le système graphique, en identification de mot et en production écrite, nécessite une mise à distance par rapport à la dimension sémantique du langage, la première articulation, pour analyser le langage dans ses constituants, la deuxième articulation. « Apprendre à lire, ou plus généralement à manipuler l’écrit, c’est aussi apprendre à réfléchir sur le langage afin d’acquérir une expertise dans l’utilisation de ce système symbolique pour élaborer des significations » (Gombert, Gaux & Demont, 1994, p. 72). Or, Liberman et Shankweiler (1989) insistent sur le fait que le discours est une coarticulation de phonèmes qui ne sont jamais produits un par un, mais dans l’ensemble que constitue le mot. Or, si ce dernier est rapidement compréhensible par le jeune enfant (Gombert, 1990), son analyse en composants phonémiques n’est, en revanche, pas naturelle.

L’acquisition de l’Ecrit dans un système alphabétique nécessite que l’apprenti-lecteur maîtrise des connaissances sur le fonctionnement de l’oral et de ses unités et pas seulement sur les lettres. Cette maîtrise fonctionnelle correspond aux activités habituelles de perception et de manipulation du langage, elle inclut aussi la mise en œuvre de processus d’analyse non conscients et automatiques. Mais pour que le sujet devienne lecteur, il y aurait également nécessité que se développe une capacité à analyser explicitement la parole et à appréhender le mot comme un objet composé de segments isolables : les syllabes et les phonèmes.