4.2. De la conscience phonologique à la capacité métaphonémique 

4.2.1. Problème de terminologie

Le premier flou relatif à ce concept provient de la grande variété des termes utilisés par les divers auteurs. Alegria et Morais (1996) parlent d’analyse et de conscience segmentales. De son côté, Stanovitch (1987) utilise la dénomination de conscience phonologique (en anglais "phonological awareness") pour spécifier l’accès analytique, conscient et explicite aux unités phonémiques de la langue : c’est un « Processus phonémique profond » (p.515, traduction personnelle). D’autres études (Snow, Burns, & Griffin, 1998 ; Chard & Dickson 1999) opèrent une distinction entre conscience phonologique et conscience phonémique : « le terme de conscience phonologique réfère à une appréciation générale des sons de la langue, distingués de la signification. Quand cette appréciation inclut la compréhension que les mots se divisent en séquence de phonèmes, cette sensibilité très fine s’appelle la conscience phonémique » (Snow, Burns, & Griffin, 1998, p.51, traduction personnelle). D’autres études, encore, parlent de conscience syllabique : « habileté à détecter les syllabes constituant les mots » (Goswami, 1998 p. 45, traduction personnelle), de conscience infrasyllabique : « habileté à détecter que la syllabe contient 2 unités, l’attaque et la rime » (Goswami, p. 45, traduction personnelle) et de conscience des phonèmes.

La conscience des phonèmes semble apparaître plus tardivement que la conscience des syllabes (Chard & Dickson, 1999 ; pour une synthèse Gombert, 1990 ; Liberman, Shankweiler, Fisher et Carter, 1974 ; Morais, Bertelson, Cary & Alegria, 1986). Treiman (1985) montre une progression développementale qui va de l’émergence de la capacité métasyllabique à une capacité infrasyllabique et finalement à la capacité métaphonémique. Il semble, en conséquence, important de garder à l’esprit ces distinctions d’ordre terminologique. D’autre part, les compétences propres à la manipulation soit des syllabes, soit des phonèmes constitueraient deux formes de capacités métaphonologiques qualitativement distinctes (Alegria & Morais, 1996 ; Liberman & S Shankweiler, 1989), et ce, pour des raisons acoustico-perceptives : les phonèmes sont co-articulés dans la parole normale, alors que les syllabes seraient signalées au niveau acoustique par des variations d’intensité.

Pour sa part, Gombert (1990, 1992 ; 1994 ; Gombert, Gaux & Demont, 1994) adopte un angle de vue différent et préfère le terme de capacité métaphonologique. Il la définit ainsi « la capacité métaphonologique correspond à la capacité d’identifier les composants phonologiques des unités linguistiques et de les manipuler de façon délibérée (ce que les anglo-saxons appellent généralement « phonological awareness) » (Gombert, 1990, p. 29). Avec cette terminologie, cette capacité s’insère dans le champ de la métacognition (Flavell, 1976) : elle est une activité d’analyse de la langue, exécutée de façon consciente par le sujet (Gombert & Colé, 2000). Là où Stanovitch n’évoque que la prise de conscience de la structure phonologique de la langue, Gombert signale à la fois la prise de conscience (identifier les composants phonologiques) et les processus de manipulation délibérée, de l’ordre du « méta ».