4.2.2. L’erreur comme indice de la compétence

De prime abord, il peut paraître paradoxal de travailler sur l’erreur alors que nous nous situons dans le champ de la compétence. En fait, si la performance consiste à comptabiliser le nombre d’erreurs, nous pensons que l’analyse de la nature de l’erreur fait pleinement partie du domaine de la compétence (Jaffré, 1995). L’illettrisme est un système installé de façon inadéquate, si l’on se réfère au fonctionnement du plurisystème graphique. Nous considérons l’erreur comme la manifestation visible du dysfonctionnement. L’erreur est la preuve d’une compétence qui s’essaie et que ne se réalise pas.

Casalis et Lecocq (1992) énoncent le principe suivant : « l’exactitude de la réponse permet de tester l’existence de la voie et son niveau de fonctionnement ; la rapidité de la réponse constitue une mesure de son efficience » (p.220). L’exactitude des réponses sur un ensemble de données, par exemple une liste de pseudo-mots, permet de conclure sur un niveau de fonctionnement optimal de la procédure concernée, ici la voie par assemblage en référence au modèle de la double voie. Par contre, nous pensons qu’un ensemble de réponses (dont certaines ou la plupart sont inexactes) ne suffit pas à conclure sur l’inexistence d’une procédure : encore faut-il savoir pourquoi la réponse est inexacte. L’analyse des corpus de productions contenant des erreurs révèle les principaux types de conceptualisations enfantines (Fijalkow, 2000 ; Montesinos-Gelet, 1999 ; Jaffré, 1995) ainsi que les modes de traitement des personnes en situation d’illettrisme (Besse, Petiot & Petit Charles, 2003). Stuart et Coltheart (1988) ont élaboré un classement des erreurs commises par des enfants en début d’apprentissage, en fonction de la quantité et de la position des lettres communes au mot cible et au mot oralisé. Ils constatent que les catégories des erreurs évoluent avec l’âge de lecture. Plus celui-ci est faible, plus l’utilisation d’informations hors de propos est élevée. Plus il est élevé, plus les erreurs incluent des lettres du mot cible. Elles se font dans le cadre du respect de l’ordre, témoignent d’un traitement séquentiel mais non exhaustif. D’autre part, l’évolution des erreurs entre ces différentes catégories coïncide avec le moment où les enfants réussissent les tests métaphonologiques ce qui permet de départager les erreurs selon qu’elles ont ou non une composante phonologique.

En somme, il semble important de considérer que l’exactitude de la réponse ne renseigne que sur l’efficience de la procédure. De son côté, la nature des erreurs produites durant cette procédure informe de l’existence de la procédure et aide à situer l’origine de la difficulté. Comme l’énonce Lefavrais, « la faute nous informe en montrant quel processus est troublé » (1983, p.50).