2.1. Capacité métaphonographique ?

La seconde hypothèse de notre travail portait sur la distance qui peut exister entre la capacité métaphonémique et la capacité que les sujets ont d’analyser l’oral dans une activité traitant l’Ecrit. Nous estimions que les personnes en situation d’illettrisme ont un déficit plus marqué dans la représentation, le stockage ou la récupération des sons de la langue lorsqu’il s’agit de procéder à des analyses métaphonémiques en tant que telles par rapport à des activités de traitement de l’Ecrit de type graphophonologique et phonographique, mobilisant pourtant ces mêmes analyses.

Nous rappelons les principaux résultats obtenus dans notre étude :

Pour le groupe « illettrismes »

Si l’on compare les quatre épreuves

  • L’épreuve de segmentation phonémique est significativement moins bien réussie que chacune des autres épreuves, qui, elles, ne diffèrent pas significativement.
  • Il n’apparaît aucune corrélation entre les performances obtenues dans les épreuves de manipulation épiphonémique et métaphonémique

Si l’on compare les quatre épreuves de manipulation épiphonémique et métaphonémique avec les deux épreuves de traitement de l’Ecrit

  • Les performances obtenues à l’épreuve de suppression sont corrélées avec celles obtenues en identification de mots et en production écrite de mots (hors identification de mots fréquents). En dehors de cette corrélation, on relève deux corrélations faiblement significatives : d’une part, entre identification de pseudo-mots et appariement, d’autre part, entre identification de mots rares et fusion.
  • Les sujets du groupe « illettrismes » obtiennent de meilleurs résultats aux épreuves d’identification et de production de pseudo-mots qu’aux épreuves de manipulation épiphonémique et métaphonémique (hors comparaison fusion phonémique/identification de pseudo-mots).

Pour le groupe contrôle

  • Les épreuves de segmentation et de fusion sont significativement moins bien réussies que les autres épreuves.

Comparaison inter groupes

  • Quelle que soit l’épreuve, le groupe « illettrismes » obtient des résultats significativement plus faibles que le groupe contrôle.

Ces résultats globaux sont compatibles avec ceux de la littérature traitant des difficultés inhérentes aux capacités métaphonémiques des sujets en difficulté en particulier vis-à-vis de l’identification de mots (Delahaie et al., 1998 ; pour une revue, Fijalkow, 1996 ; Gombert, Gaux & Demont, 1994). Les sujets de notre protocole manifestent une difficulté à manipuler de façon délibérée les phonèmes selon les conditions imposées. Pourtant, leurs performances ne sont pas nulles, elles avoisinent même la moyenne pour deux tâches (appariement et fusion). De plus, elles sont variables entre les sujets, ce que traduisent des écart-types plus étendus que ceux de la population contrôle. Enfin, on a pu relever diverses formes d’erreurs commises. En somme, malgré les difficultés réelles des sujets rencontrés, le raisonnement sur l’étendue de leurs capacités métaphonémiques ne doit pas se tenir à partir de résultats en tout ou rien (Vernon & Ferreiro, 1999 ; Petiot, 1996). Nous proposons de centrer notre propos sur les résultats obtenus aux différentes tâches requises puis sur la comparaison entre traitement de l’Ecrit et analyse métaphonémique.