2.3. Essai de schématisation de la construction phonème-phonogramme

Nous considérons que les processus qui permettent la réalisation des trois activités travaillées dans notre étude, identification de mots, production écrite de mots et capacité métaphonémique, participent d’un système commun. Ce système, pour être pleinement opérationnel dans un principe alphabétique, repose sur plusieurs contraintes. Nous en énumérons trois parmi un vaste ensemble :

Tout au long de notre étude, nous avons appuyé notre réflexion sur les travaux traitant du modèle de fonctionnement « normal » de l’adulte ainsi que sur ceux relatifs à l’acquisition de l’Ecrit, partant d’un principe que le système mal installé de l’illettrisme provenait de dysfonctionnements survenus lors de l’acquisition. Il nous semble que nous avons mis l’accent sur plusieurs facteurs qui peuvent contribuer à expliquer ces dysfonctionnements. N’en privilégiant qu’une partie, nous proposons de terminer cette étude par une réflexion relative à la construction des correspondances entre deux unités d’ordre différent : les phonèmes et les phonogrammes. La schématisation qui suit souligne que cette construction est complexe et dépend de plusieurs paramètres. Certains nous semblent appartenir au domaine des ressources disponibles dans le système. Ce domaine serait fonctionnel. D’autres renvoient au mécanisme de compréhension et de construction des règles du sous-principe phonographique.

Figure 2: Construction des relations phonèmes-phonogrammes : processus fondateurs
Figure 2: Construction des relations phonèmes-phonogrammes : processus fondateurs

Le premier facteur de dysfonctionnement peut être lié à une défaillance au niveau du stockage ou de la récupération des représentations contenues dans chaque processeur. Se pose alors la question de la capacité nécessaire à allouer au stockage et à la récupération dans la mémoire à long terme. On se situe alors au niveau des ressources disponibles dans le système. Le stockage des représentations des phonogrammes et phonèmes requiert, également, au moins trois processus cognitifs sous-jacents qui ont davantage trait au mécanisme de construction du système. Pour pouvoir stocker chaque représentation de phonogramme et de phonème comme étant un élément distinct, il faut pouvoir distinguer clairement et systématiquement chaque unité phonographique et phonémique, y compris les di et trigrammes pour les phonogrammes. Ce processus de distinction exige un double mouvement de différentiation – généralisation : différentiation d’une unité par rapport aux autres ; généralisation d’une unité présentée dans des contextes différents (y compris différence de police de caractères).

Ce processus de stockage exige au préalable d’être sorti d’un raisonnement qui repose sur la lettre. En effet, tant qu’un sujet considère un mot comme une succession de lettres et tant qu’il s’appuie sur le nom que la lettre porte dans l’alphabet, il ne peut entrer dans le sous-principe phonographique du français.

L’efficacité des modes de traitement graphophonologique et phonographique repose sur plusieurs opérations cognitives que nous avons largement développées tout au long de cette étude. Parmi celle-ci, la construction solide des relations de correspondances entre les phonèmes et les phonogrammes représente un élément fondamental. Son déficit est souvent apparu au cours des analyses individuelles que nous avons menées. Nous avons rappelé au cours de ce dernier tour d’horizon que cette construction ne peut se réaliser qu’en appui sur une série de processus cognitifs sous-jacents, montrant ainsi que les illettrismes peuvent se caractériser par des déficits dont les sources demeurent multiples, liées aux capacités de fonctionnement du système propre à chaque individu mais aussi à la pleine intégration des règles qui gouvernent le sous-principe phonographique.