III. Problématique

Quand Newman et Rothko laissent leurs toiles sans cadre, ce geste s’inscrit dans une pratique énonciative du modernisme international. Nous voulons soutenir l’idée que cette pratique lance une tradition américaine de créativité localisée au bord du tableau. Dans l’absence de l’objet-cadre, comment l’artiste américain pense-t-il l’espace du cadre et comment cet espace parergonal devient-il un territoire d’exploration et un véritable enjeu poïétique ? Voilà l’interrogation première qui anime ce travail doctoral.

Il nous semblait que restituer avec précision ce questionnement du cadre permettrait de bien saisir et d’éclairer autrement les enjeux de tout un pan de la peinture américaine de la deuxième moitié du vingtième siècle. Ce pan qui traverse six décennies va de Rothko à Ryman, de Newman à McCollum. Nous voulions savoir de quelle façon et en quelle mesure la limite structurante est pour ces artistes une source de recherches et de réponses plastiques. Quelles contributions essentielles pour eux le cadre ou son absence pensée apportent-t-ils à leur œuvre ?

Le cadre est construit d’une part qui se voit et d’une part qui se perçoit, les deux parts ayant des liens indivisibles. Ce qui fait problème est la visibilité du cadre. En définitive, n’y a-t-il pas toujours visibilité et invisibilité du cadre ? Le travail de définition et de délimitation de ces pages d’introduction nous aura permis de rendre plus audible cette question. Avant d’y répondre, il nous faut proposer maintenant un modèle sémiotique d’analyse.