Le cadre est la marque du propriétaire ou, du moins, d’une appropriation, inscrivant l‘œuvre dans une collection qui hausse parfois le nom du collectionneur — Barnes, Havemeyer, Phillips — à proximité de celui de l’auteur. Pragmatiquement, c’est le galeriste, qui en attendant le propriétaire, pose le cadre ; mais, en fin de compte, le choix de l’encadrement revient à ce dernier. C’est à son mécène Chantelou en tant que commanditaire de La Manne que Poussin avait adressé sa célèbre prière d’encadrer : « Quand vous aurez reçu votre tableau, je vous supplie de l’orner d’un peu de corniche 90 ». Par le geste de l’encadrement qu’il fait accomplir ou qu’il endosse, le collectionneur manifeste sa possession de l‘œuvre et une certaine autorité sur elle. Certes son Renoir sera toujours le tableau de Renoir et, quelque soit le prix qu’il l’ait payé, le propriétaire n’aura pas le droit de l’altérer. Mais le cadre manifeste un droit de regard. Degas , par exemple, était allé jusqu’à reprendre des tableaux que leurs acquéreurs avaient, à son sens, mal appropriés car mal encadrés 91 .
Lettre du 28 avril 1639 de Nicolas Poussin à Paul Fréart de Chantelou, citée par Louis Marin, De la Représentation, 1994, p. 347. C’est nous qui soulignons.
L’anecdote est raconté par Ambroise Vollard (En écoutant Cézanne, Degas, Renoir, 1938) et citée par Isabelle Cahn, Cadres de peintres, 1989. p. 99.