4 : Ouvrir et fermer

La première fonction du cadre est peut-être d’osciller entre sa présence réelle et son absence virtuelle 101 . Pour que le tableau se voie, il faut que le cadre se remarque, mais aussi qu’il disparaisse de la vue ; toutefois, pendant la contemplation du tableau, le cadre peut, comme nous venons de le suggérer, se rappeler à l’attention, créant ainsi un rythme et une temporalité du regard. Imprévisibles, certes, car elles dépendent du regard subjectif du spectateur, ces oscillations sont néanmoins inévitables. Ouvrant ‘le monde du tableau’ et fermant le monde du mur, ou vice-versa, le cadre fonctionne comme un interrupteur.

Cette idée pourrait rejoindre celle de Jacques Derrida qui conçoit le cadre en termes de disparition : « Le cadre parergonal se détache, lui, sur deux fonds, mais par rapport à chacun de ces deux fonds, il se fond dans l’autre. Par rapport à l’œuvre qui peut lui servir de fond, il se fond dans le mur, puis, de proche en proche, dans le texte général. Par rapport au fond qu’est le texte général, il se fond dans l’œuvre qui se détache sur le fond général 102 . En effet, le cadre ‘s’efface’ dans la perception du spectateur quand, dans un repérage globalisant, celui-ci ‘fond’ le cadre avec le tableau pour ne voir qu’un objet indifférencié (le ‘tableau encadré’) ; de même, le cadre ‘disparaît’ quand le regard du spectateur le rejette dans le monde qui est extérieur à l’œuvre pour mieux appréhender celle-ci.

Notes
101.

Déterminer ce qui est premier est difficile. Mais nous suggérons que celle-ci domine toutes les autres fonctions.

102.

La Vérité en Peinture, 1978, p. 71.