Le cadre crée les deux côtés dedans et dehors comme la barre sémiotique de Saussure crée en la marquant la division entre signifiant et signifié 111 . Traditionnellement, la forme du cadre (une fenêtre vue depuis la rue 112 ) nous amène à penser que le cadre nous fait entrer dans le monde intérieur du tableau. Mais l’essentiel est qu’il désigne un intérieur et un extérieur sans forcément leur attribuer une place fixe. Ce que Gérard Genette avance concernant le paratexte en littérature est ici pertinent et l’on pourrait avancer que si le paratexte est « ce par quoi un texte se fait livre », le cadre est ce par quoi une toile se fait tableau. 113 Commentant le préfixe para, Genette cite J. Hillis-Miller : « Para est un préfixe antithétique qui désigne à la fois proximité et distance, similarité et différence, intériorité et extériorité […] une chose qui se situe à la fois en deçà et au-delà d’une frontière, d’un seuil ou d’une marge, de statut égal et pourtant secondaire, subsidiaire, subordonné […] Une chose en para n’est pas seulement à la fois des deux côtés de la frontière qui sépare l’intérieur et l’extérieur : elle est aussi la frontière elle même, l’écran qui fait membrane palpable entre le dehors et le dedans 114 . » Le côté paradoxal du cadre est ici bien résumé.
Voir Patricia Allmer, « Framing the Real : Frames and the processes of framing in René Magritte’s œuvre », Wolf and Bernhart (dir.), Framing Borders in Literature and Other Media, Amsterdam/ New York, 2006.
Wajcman, Fenêtre, 2004, p. 329.
« Ce texte [l’œuvre littéraire] se présente rarement à l’état nu, sans le renfort et l’accompagnement d’un certain nombre de productions […] comme un nom d’auteur, un titre, une préface, des illustrations, dont on ne sait pas toujours si l’on doit ou non les considérer qu’elles lui appartiennent, mais qui en tout cas l’entourent et le prolongent […] pour assurer sa présence au monde, sa « réception » et sa consommation » Genette, Seuils, Editions du Seuil, 1987, p. 7. C’est nous qui soulignons.
J. Hillis-Miller, Deconstruction and Criticism, The Seabury Press, New York, 1979, cité par Genette, Seuils, 1987, p. 7. C’est nous qui soulignons.