Le cadre impose le tableau au spectateur et donne au tableau l’ascendant visuel sur le mur qui le soutient. Au Prado de Madrid, le cadre épais aux reliefs dorés de Las Meninas donne au tableau de Vélasquez autorité et priorité visuelle. Cette lutte nécessaire pour le pouvoir est soulignée par les propos de Mark Rothko qui affirme que ses tableaux sans cadre doivent être accrochés de manière à saturer l’atmosphère de la salle d’exposition et à faire « capituler » le mur 156 . De telles exigences peuvent être respectées dans la galerie ou dans le musée, mais elles sont plus difficiles à négocier dans un salon particulier où le cadre doit participer à la fois de la décoration (au risque de faire capituler le tableau) et fournir au tableau le moyen d’échapper au décor. Imposant le tableau, taillant et revendiquant pour lui une place, le cadre exprime ainsi l’impératif territorial de l’art.
« By saturating the room by the feeling of the work, the walls are defeated ». Propos de l’artiste cités in Mark Rothko, National Gallery of Art, Washington, Yale University Press, 1998, p. 345.