Schapiro affirme que « l’image sans bordure existe comme si l’on devait y jeter un rapide coup d'œil plutôt que d’y arrêter le regard 157 ». Par comparaison, l‘image encadrée se présente de manière plus solennelle. Le cadre est un protocole de cérémonie que la prévalence de l’or relie au sacré. La consécration sort l’objet de l’espace quotidien et invite à le contempler, c’est-à-dire à se livrer à une transcendance par le regard. Le temple, avant d’être bâtiment, est « l’espace tracé dans l’air par le bâton de l’augure comme champ d’observation en vue des auspices 158 ». Le cadre reproduit ce geste inaugural qui crée l’espace sacré du temple ; son modèle architectural est le seuil. Les élaborations de Louis Marin s’efforcent de démontrer comment le détachement opère la contemplation : « Lorsqu’à l’œil du peintre est substitué le regard du spectateur, un cadre est nécessaire parce qu’à l’artefact considéré dans le procès de sa production est substitué le tableau dans celui de sa présentation, de sa mise en spectacle 159 .
Style artiste et société, 1982, p. 13.
Arasse, « L’Opération du bord,» in Cadres & Marges, 1995, p. 15.
De la Représentation, 1994, p. 316. Cf. encore p. 317 : « Le cadre est un des procès qui conditionne le passage de la vision à la contemplation, de l’aspect au prospect. Les termes sont de Poussin, aspect signifiant la vision simple, prospect la considération attentive.