L’idée d’enveloppement ou d’emboîtement recouvre plusieurs significations et recoupe d’autres fonctions du cadre. C’est d’abord entourer le tableau de matière précieuse, de bois et d’or. C’est en même temps l’envelopper d’aura, de considération et de distinction. C’est aussi le présenter, c’est-à-dire non seulement le rendre présent, l’énoncer, mais aussi en faire un présent, un cadeau présenté avec soin comme les luxueux emballages de Christo et Jeanne-Claude. Cet empaquetage est une manière de matérialiser le regard. C’est mettre l’art dans une enveloppe pour l’adresser et inviter à l’ouvrir.
La citation, emboîtement discursif, réflète l’emboîtement matériel que Germano Celant énumère ainsi : « painting, frame, wall, room, building, city, territory, earth, universe. » 178 Cette fonction relève de ce que nous avons nommé articuler, et est proche de la notion de parentalité (l’enchaînement des générations) 179 . Les classements historiques de l’art le dévoilent : pendant des siècles, la peinture et la sculpture sont placées dans l’architecture du temple et du palais. Le cadre condense l’espace architectural 180 . Et au XXe siècle, quand l’architecture est radicalement mise en question et après l’utopie de Mondrian ou de Malevitch, la peinture, pensée par sa place dans l’ensemble, pourra devenir une forme de design 181 .
L’emboîtement peut se lire à l’envers. Ainsi les tableaux dans l’atelier de Mondrian doivent induire un monde extérieur fictif et idéal. Pour Dominique Chateau, la progression, qu’il compare aux poupées russes, va de l’immatériel au plus matériel et vice-versa 182 . Werner Wolf n’utilise pas le terme emboîtement, mais il repère la notion quand il fait axiome du fait que le cadre se situe toujours par rapport à l’œuvre à un niveau logique supérieur 183 .
« Framed », 1982, p. 55. Ce qui compte pour Celant, c’est la relation rythmique entre les éléments qui s’emboîtent.
Voir « Supplémenter, 20 ».
Rougé : « En enveloppant ainsi le regard, le cadre lui offre des repères, reconstitue l’abri de l’église, de la maison, du temple ou de la caverne. » « En-visager l’absence » in Cadres & Marges, 1995, p. 29.
« Pour beaucoup d’artistes de la première abstraction, celle-ci inaugura non seulement la fin de la représentation naturelle, mais, à terme, [selon Mondrian] ‘la fin de l’art comme objet séparé de notre environnement’ ». Lebensztejn « A partir du cadre » in Annexes, 1999, p. 213. Nous pensons aussi à la place de la peinture pour le Bauhaus.
« Il y a, du réel au musée et du musée au tableau, quelque chose comme l’emboîtement des poupées russes, et au fil de ces degrés, l’idée de cadre prend un sens de plus en plus précis, de plus en plus physique ». « Duchamp, du cadre » in Cadres & Marges, 1995, p. 103.
Werner Wolf, : « Familiar framings are distinct from, and located on an (onto-)logically higher level than, the framed. » Wolf and Bernhart (dir.), Framing Borders in Literature and Other Media, Amsterdam/ New York, 2006. Introduction, p.