Introduction générale:

1. De l’énigme clinique à la construction théorique

1.1. Origine de la recherche.

Le DEA (2000) s’est imposé à nous après quelques années de rencontre professionnelle avec les « sans » ; nous parlons des sans domicile, sans ressources, sans travail ou sans liens, caractéristiques parfois réunies chez la même personne. Devant l’énigmatique errance psychique de ces sujets, nous avions perçu la nécessité d’une réflexion complémentaire à la formation initiale du psychologue et aux réponses sociales classiques ; celle-ci nous a en effet semblé le seul recours pour tenter de les comprendre et de mieux leur répondre, même s’ils n’exprimaient pas de demande; cette formulation laisse immédiatement présager d’un paradoxe irréductible, qui nous a hantée pendant longtemps, face à l’offre d’accompagnement: quel sens peut avoir la réponse d’un psychologue face à des personnes qui ne paraissent rien désirer, et surtout pas qu’on se penche sur leur intimité ? Qu’est ce que comprendre, sinon traiter de ce qu’elles semblent ressentir et nous font éprouver, dans le même mouvement sinon partagé, du moins transmis de elles à nous et réciproquement. De surcroît, comment prétendre accéder à l’émotion de ceux qui refusent la centration sur leur subjectivité ?

Le DEA qui avait permis d’éclairer une part de la problématique d’un sujet singulier, n’a cependant pas résolu l’ensemble des questions que ces « sans », ces errants psychiques, sollicitaient en nous tacitement. C’est pourquoi il a semblé utile de poursuivre une recherche plus approfondie, au-delà d’une seule situation thérapeutique, afin de tenter de tisser une trame explicative plus générale.