1.3.2. La psychiatrie traditionnelle.

La « folie » classiquement partagée entre névroses et psychoses a été définie assez aisément jusqu’au milieu du XIXème par les différents aliénistes jusqu’à Esquirol (1845). Un nouvel « état frontière de la folie » est identifié en 1884 par Hugues, sans qu’il ne le précise davantage. Ses similitudes avec les « prépsychoses » permettront de s’approcher de ce qui deviendra ensuite les « états limites ». On considère en effet que la structure sous-jacente de telles personnalités s’apparente à une psychose, sans signe délirant, ni altération du rapport à la réalité. (C. Chabert, 1999) L’école allemande tente de regrouper ces troubles sous la classification de schizophrénies de différentes formes, en lui adjoignant le symptôme de conduites antisociales ; à l’émergence de la psychanalyse, J. Bleuler reprend cette notion en parlant de « schizophrénie latente », qui serait une schizophrénie sans signe.

Plus tard, le psychiatre H. Ey définit la « psychonévrose »  en considérant son évolution « par poussées successives entre lesquelles le sujet, guéri de sa poussée psychotique, reprend l’existence névrotique » (1963). Dans ce cas, la pathologie intermédiaire paraît osciller entre structure et crises psychotiques et fonctionnement ordinaire névrotique.

Le DSM.IV (1994) évoque les « personnalités borderline » en insistant sur la notion de « labilité  émotionnelle ». Il maintient le concept de « psychonévrose » en considérant les éléments dissociatifs de la psychose ; la personnalité « borderline » se constitue à partir de la distinction entre troubles névrotiques et troubles limites; ceux-ci intéressent la problématique d’abandon, l’instabilité relationnelle, l’impulsivité, les troubles identitaires ainsi que des sentiments plus diffus de dépression, vide, parfois discordances dans des situations de crise.

La difficulté à conceptualiser des symptômes au demeurant très fréquemment rencontrés, signe peut être déjà le fait que ce type de psychopathologie ne se laisse pas réduire à des critères nosographiques clairs. La préposition privative « sans » paraît synthétiser la problématique de ces sujets qui ne sont d’aucune appartenance, pas même pathologique. Dès lors, on peut comprendre pourquoi la psychiatrie persiste parfois à ne pas les considérer comme des patients de son champ, et à les confier à d’autres.