1.3.3. Le concept d’état-limite.

1.3.3.1. Définitions.

Le terme de « cas-limite » (J. Laplanche, J.B Pontalis, 1964) ou « d’état-limite » (E Roudinesco, M. Plon, 1997) désigne des affections psychopathologiques intermédiaires entre névrose et psychose. Le Vocabulaire de la psychanalyse reprend la notion de « schizophrénie latente » alors que, 33 ans plus tard, le Dictionnaire ne se réfère plus à ce concept, mais seulement à la notion de « troubles de la personnalité et de l’identité à la frontière… ». O. Fénichel (1945) est l’un des premiers à étudier ces personnalités « névrotiques qui, sans développer une psychose complète, possèdent des dispositions psychotiques ou encore manifestent des aptitudes à faire usage de mécanismes schizophréniques en cas de frustration ». Beaucoup plus tard, J. Bergeret (1974) conceptualise les états-limites en dehors des deux grandes lignées structurelles de la névrose et de la psychose. Il propose la notion « d’astructuration » en affirmant un fonctionnement spécifique de ces personnalités qui ont organisé un aménagement défensif particulier. Il fait se rejoindre l’état-limite et la « dépression essentielle ». Ainsi, il réfère cette psychopathologie à la théorie du narcissisme. O. Kernberg (1976), tout en rapprochant lui aussi ces deux troubles, en clarifie la confusion dans son panorama des similitudes et différences entre les deux catégories: selon lui les points communs concernent « la prédominance des mécanismes de clivage ou de dissociation primitive»; en revanche les différences touchent, chez le narcissique, à la détérioration de « l’ensemble du monde intrapsychique des relations d’objet », alors que l’organisation « borderline » est caractérisée par une «  incapacité à tolérer l’angoisse, (un) manque général de contrôle des impulsions, (une) absence frappante d’accès à la sublimation et (un) fonctionnement de la pensée selon le processus primaire… ».

Pour J. Bergeret le point nodal de la problématique intéresse la relation d’objet et l’angoisse de sa perte. Il soutient l’idée d’une désorganisation réelle d’un moi trop fragile pour ses capacités d’intégration. Cette proposition suggère une effraction précoce, même si le Moi en voie de maturation a « dépassé sans de trop grandes difficultés ni de trop grosses frustrations le moment où des relations initiales et précoces très mauvaises à la mère auraient pu opérer une préorganisation de type psychotique. Le refoulement est défaillant à exercer son œuvre défensive et le sujet cherche alors un recours auprès de modalités plus archaïques telles que déni de représentation, clivage et identification projective.

J. Bergeret considère ce traumatisme affectif comme le « premier désorganisateur » qui va figer l’évolution libidinale du sujet dans une « pseudo-latence » durable.