1.3.4. Les souffrances narcissiques- identitaires.

R. Roussillon, à la suite des travaux des précédents, développe aujourd'hui (2004) la problématique de "souffrances narcissiques-identitaires". (Celles-ci) tendent plutôt à situer au premier plan (…) la question de l’impact des formes et aleas de la dépendance primitive (…), celle de l’histoire de la constitution du lien premier. » Il souligne l'importance de la nature de la relation à l'objet, y compris dans ce qui manque à advenir, pour peu que ce soit de "manière répétée ou constante". Ainsi, ce n'est pas seulement l'objet qui fait courir le risque traumatique, c'est aussi sa présence ou son absence, sa disponibilité ou son indifférence, sa sensibilité ou son insensibilité aux besoins du sujet. Pour l'enfant précocement pris dans cette trame relationnelle latente mais implacable, il n'existe alors que peu d'issue hormis celle du retrait subjectif à distance de la situation et de ses traces lointaines. Dès lors, la représentation comme empreinte historique du traumatisme va elle aussi être désinvestie par le clivage, laissant apparaître chez le sujet indifférence, glaciation affective et cognitive. Dans sa contribution intitulée "agonie et

désespoir dans le transfert paradoxal"(2002), R. Roussillon catégorise cette psycho- pathologie par une énumération de caractéristiques, dont nous ne souhaitons restituer ici que quelques points:

Dans sa définition des pathologies narcissiques-identitaires, l’auteur évoque ailleurs (2004) "l'échec de la relation homosexuelle en double"; la mère, ne parvenant pas à assumer sa fonction de "détoxication" ou de "miroir", n'a pas pu répondre de manière ajustée à l'exigence de reflet que cherche l'enfant dans l'objet. A travers les mimiques, la gestuelle du corps tout entier et du visage en particulier, la mère aurait en effet à restituer à l'enfant, la double perception d'une relation de plaisir et d'une rencontre avec un objet tout à la fois autre et semblable à soi. Par le "partage d'affect", l'existence de cet objet "reflet de soi" sera au fondement d'un attachement ultérieur sécurisant, prélude au travail de mise en sens. Cette notion paraît tout à fait capitale en ce qu'elle met en évidence les conditions d'émergence de la représentation; l'auteur insiste en effet sur la notion d'accordage, comme " reflet par l'autre (qui) doit rendre (l’expérience) représentable"(...),entre affect et représentation.

Pour conclure cette partie, il faut souligner que ces premières théorisations vont constituer le socle de notre réflexion en ce qu'elles mettent en tension certaines particularités des problématiques qui nous occupent; toutefois elles ne permettent pas en elles-mêmes d'atteindre une plus grande intelligibilité de la question de l'exclusion; il s'agit alors de pénétrer plus avant dans la compréhension de la symptomatologie dont témoignent les sujets précaires ou exclus; celle-ci, comme les propositions pré-citées tendent à l’esquisser, concerne le lien à l'objet, qu'il soit précoce ou actuel- dans la mesure où ce dernier fait résonner la relation primitive- ainsi que le lien à soi-même..