II. Deuxième partie:

1. Une clinique à déchiffrer

1.1.Les entretiens d’enquête.

1.1.1. Avertissement.

Lorsque nous avions réfléchi à l’abord des grands errants, qui paraissaient être la première population à rencontrer pour un tel travail, nous avions imaginé devoir éviter les centrations trop directes, trop intrusives à leur endroit. C’est pourquoi un questionnaire composé de questions fermées ou semi-ouvertes, proposé de manière graduelle, nous semblait permettre une entrée progressive dans leur subjectivité. En deuxième temps, un TAT avait été choisi comme mode d’exploration projective; comme l’envisage V. Shentoub citée par D. Anzieu (1961), la forme y devance le contenu des récits, dans l’hypothèse que « les modalités de construction et d’élaboration des récits (…) renvoient aux mécanismes de défense caractéristiques de leur organisation psychopathologique ». Il semblait, au moment de l’élaboration de la méthodologie, que par le biais du croisement des réponses formelles au questionnaire et de celles de l’épreuve projective, nous puissions repérer ce collapsus interne entre les images de soi et les images de l’objet  » (F. Brelet, 1996)habituellement décrit mais la plupart du temps scellé, dans la clinique des états-limites.

Cependant, lorsque nous avons pris la mesure des réponses que les sujets avaient bien voulu donner au simple questionnaire, nous avons provisoirement laissé de côté les TAT dont le dépouillement nous paraissait à ce moment insurmontable. Il est vrai que les personnes qui avaient accepté et réalisé la passation étaient assez rares (3/10) pour ne pas représenter un panel significatif. Mais, au-delà d’arguments rationnels, c’est l’ampleur de la tâche de « traduction » qui nous a momentanément arrêtée. Car la saisie de l’épreuve, le jeu avec les consignes et l’enquête, ont singulièrement désorganisé le protocole classique, montrant pour le moins la présence d’une réactivité manifeste à l’épreuve. Il aurait été sûrement passionnant de l’exploiter en elle-même, mais l’inquiétude sur le délai que ce dépouillement aurait nécessité a été la plus forte. Bien entendu, les textes des réponses, au nombre de trois, restent à étudier dans un autre travail.

Pour le questionnaire, il nous avait semblé pertinent de solliciter les sujets sur un registre socio-historique que nous imaginions leur être plus familier, donc moins intrusif qu'une porte d'entrée immédiatement psycho-affective. Même si, plus tard, sa pertinence a été largement mise en question, nous l'avions espéré cohérent et accessible. Nous renvoyons le lecteur à l'intégrale en annexe.