1.2.2.4. Commentaire.

Monsieur N énonce d'emblée une inquiétude autour de l'utilisation abusive de la parole, qui se retrouve en fin de séance par l'ambiguïté du vocable "non/nom". Même s'il reste toujours dans un registre d'extrême courtoisie à notre égard, nous percevons dans les différentes phases de cet entretien, des moments de confusion, de méfiance, de paradoxe; ils suscitent en nous des réactions épidermiques d'exaspération, provoquant des signes d'impatience ou des questions inquisitrices mal contrôlées. Nous ne comprenons ni les statistiques qu'il fournit, ni les associations qu'il suit à partir d'une question qui pourtant, nous semblait simple.

Pendant une grande partie de la séance, Monsieur N paraît répondre essentiellement comme un observateur critique de la nature humaine; il la voit, malgré le discours bienveillant, comme un déchet capable de trahison et de délation. Il se définit a contrario comme un homme avec une image de marque à respecter, qui se mutilerait plutôt que de faire certains gestes, ou qui pourrait, dans un acte de salubrité publique, amputer de l'ensemble certaines parties gangrenées. Ces notions font référence à une peau atteinte, un corps en putréfaction et un souffle court, avec la force de l'idée de statisme fétide et nauséabond. Il nomme incidemment l'essoufflement qui inhibe l'effort pour pouvoir dire, sans qu'il soit capable d'expliquer à quoi il pense. Il est question d'être altéré par rapport à la soif, mais on peut se demander aussi de quelle autre altération Monsieur N parle à demi-mots.

La menace d'un environnement dont il est nécessaire de se méfier, est diluée dans des considérations générales qui nous font souvent perdre le fil de l’entretien et nous amènent, pour tenter de nous retrouver, à des interventions parfois intrusives; c'est à la suite de l'une d'entre elles que Monsieur N s'arrête, réfléchit, comme s'il en avait le souffle coupé, pour considérer que la question va fouiller dans les "oubliettes" de sa mémoire. Il en ramène les souvenirs d'enfance, le plaisir du moulin à café, mais aussi l'exil, la confusion de sa naissance et de la mort du père en déportation. Il en extirpe aussi le terme de dictature et le doute final du nom.

Quelle est l'origine de cette "gale" qui le démange et crée autant d'irritation à son contact? Que signifie le premier mot de sa présentation concernant "la troisième génération" ainsi que la dernière thématique sur la dictature? Qu'est ce que Monsieur N donne à voir dans l'embrouillamini qu'il nous fait partager autour d'un père mort en déportation, mais qui aurait pu donner naissance à ce garçon 4 années plus tard? Pourquoi ne peut il répondre à la question de l'espace que par l'association avec un exil paradoxal, dont on revient avec l'idée que la compagnie est un mal nécessaire. Qu'est ce, pour cet homme, "qu'être bien dans sa peau "…Enfin, comment se fait il que Monsieur N soit parfois à ce point indéchiffrable que nous ne réussissions même pas parfois, à entendre les mots formulés à notre adresse?