Commentaire

Sur le tabac et l'alcool

Les brumes ont été ou restent encore donc unanimement recherchées par tous les sujets, préférentiellement, en ce qui concerne l'alcool, dans un contexte collectif. Dans la consommation tabagique, les sujets ont été majoritairement et durablement en contact avec le produit volatil, subtil, et pénétrant de manière diffuse les organes vitaux. Les raisons de l’arrêt, quand il a lieu, sont rarement d’ordre médical, mais concernent le lien à autrui et la satisfaction de l’attente des proches.

Sur le plan de l'alcool, la superposition de plusieurs interprétations est envisageable: la culture de l’alcool, parfois convoquée dans son aspect religieux, renvoie à l’appartenance psychosociale. De la même façon, son accessibilité financière est importante pour des populations extrêmement désargentées. La plupart des personnes insistent néanmoins, pour une raison ou pour une autre, sur la notion de convivialité, de liant social, qu’il soit amical, familial ou sexuel. De ce fait, on peut considérer les refus ou détournements des réponses concernant la prise solitaire, comme un déni d’autres formes de consommation, moins valorisées. En effet, quelques propositions périphériques donnent à penser à une intoxication parfois retirée pour «s’isoler», «oublier ses problèmes»; enfin, pour le sujet qui se sentirait déchu de boire, son passage à l’acte donne à penser qu’il s’est déroulé sans témoins, de manière incontrôlée et précisément honteuse.

Dans l’examen des deux addictions les plus courantes, les sujets interrogés ont donc très majoritairement été ou restent touchés. L’alcool demeure la conduite la plus difficilement énonçable dans sa dimension solitaire, comme s’il était plus acceptable, pour les personnes, de fumer que de boire seul. Sur les deux registres, la consommation a pu être très importante, et n’est «avouée» que lorsqu’elle est abandonnée ou grandement diminuée. L’aspect solitaire d’apaisement ou d’oubli des problèmes est dévalué au profit de la dimension collective et festive, comme une manière de demeurer «affilié» au groupe social, pourtant réellement racorni dans le contexte actuel des sujets. Quand l’arrêt de la consommation advient, il est toujours motivé par la prise en compte de l’environnement et du lien, non des besoins sanitaires du sujet, tout juste mentionnés de manière incidente.