2.1.4. Perspectives générales.

La blessure de la surface, clairement identifiée, donc l'espace visible semble, au-delà de l'enveloppe externe, intéresser la totalité de l'auto-investissement du corps des sujets. Il y est d'abord question de biais du regard, d'effraction cutanée, de transmissions pathologiques. Les excitations, mêmes externes et actuelles, sont reliées à une intervention de l'autre en soi, d'un tiers incarné ou incorporé au sens de N. Abraham et M. Torok. (1987)

La strate suivante confirme, dans un registre plus informel et indéterminé, la prégnance des objets externes sur les troubles énoncés. On assiste également à leur prise de relais par le sujet lui-même qui, comme commandé de l'intérieur, poursuit le processus d'atteinte somatique.

Le niveau osseux est attaqué, et avec lui le fondement de la verticalité et de la charpente. Pour certains, c'est la chute dans l'infra-humain qui est mise en évidence dans une régression vers la fragmentation ou l'inorganisation, ou dans un retour au cloacal. D'autres invoquent les séquelles durables des chocs effractifs. Dans cette strate, la violence du traumatisme est clairement identifiée. Inversement, il est aussi question d'une intervention parfois miraculeuse d'un tiers, comme si la méfiance préalable devait être démentie, ou bien comme si l'illusion infantile allait retrouver une place intacte en eux.

Au palier suivant, le sujet prend lui-même en charge l'auto-violence, parfois dans l'ambiguïté du lien à l'objet.

La sphère psychique est très mal identifiée, évoquée dans des discours paradoxaux qui tentent de banaliser des situations apparemment graves. On pourrait supposer que les sujets, ne sachant pas comment rendre compte de leur souffrance, la classent dans des troubles ordinaires, voire la dénient radicalement. Enfin, l'appétence aux toxiques fluides et gazeux est générale, permettant tout à la fois la poursuite de l'attaque corporelle et la persistance des liens sociaux sous l'égide de la volatilité, de l'indétermination et de l'absence psychique partielle.

L'auto-investissement du corps semble ainsi se rabattre sur un lien paradoxal, alliant fugacité, prudence et danger. Il éviterait au sujet de se confronter aux empiétements déjà rencontrés et toujours actifs. Ce lien ténu est discrètement étayé par une dépendance à un tiers brumeux et informel, dilué dans les nimbes délétères. Cette notion nous renvoie à la proposition de "psyché fluide" développée par D. Derivois dont nous avons rendu compte plus haut.