2.3.4. Evénement(s) associé(s) à l’entrée en errance.

Cette dernière question survient après de nombreux moments digressifs dans lesquels s’est nouée la relation à l’interlocuteur. Elle a parfois été accompagnée de remarques incidentes ou travaillée indirectement au fil de l’entretien. C’est donc un condensé des réponses sur le sujet, formulées au long de l’ensemble de la rencontre qui sera transcrit maintenant.

Tableau
sujet Evénement lié à l’errance
1 Départ de sa femme
2 ?Divorce ?
3 ?Divorce ?
4 Séparation
5 Décès du père
6  Licenciement/  « glissade »
7 « Focalisation/ convergence de trop de poids »
8 Séparation

Commentaire

Très clairement pour chaque sujet l’errance est connectée à un événement précis se référant à une perte d’investissement, la plupart du temps affectif, à une seule exception près (sujet n°6). A ce niveau, les personnes retrouvent, comme nous l’avions déjà noté plus haut, une affiliation sociale ordinaire, celle qui conçoit ce type de ruptures comme préalable aux bouleversements psychiques ultérieurs.

Cependant, si ces situations ont, à n’en pas douter, historiquement influencé le sort des sujets, l’ensemble de leur discours nous invite à dépasser l’idée d’un traumatisme unique et tardif. Sans déconsidérer en effet l’importance des faits énoncés, il s’agit de leur restituer une juste place dans l’histoire psychique des personnes, en tant que simple repérage visible d’une réalité interne certainement plus complexe. La disparité entre cette narration nette et précise, et beaucoup de moments confus ou violents dans leur énoncé, amène à réfléchir à l’existence d’autres sources traumatiques beaucoup plus enfouies et anciennes. La rupture réelle, marquage identifié et socialement acceptable de la désaffiliation, fait brusquement émerger ce qui, de manière insidieuse, en négatif, semble figurer une succession de pertes psychiques antérieures. Un seul sujet, celui qui paraît souvent le plus confus, évoque son entrée dans l’errance par ce registre global et informel. Il semble se référer à un indicible, dont la seule caractéristique énonçable est celle d’une trop grande densité, d’une confluence d’éléments insupportables. Dès lors, le sens, le temps, la lourdeur des évènements deviennent inappropriables et conduisent les personnes à la fuite.