3.2.2.3. La persistance du lien.

Après cette tentative, Ali-Yann a été rencontré très régulièrement au lieu d’accueil au décours de libérations de moins en moins durables. Le lien est maintenu en dépit des aléas de sa situation, dans des conditions hautement incertaines. S’inscrivant en effet de plus en plus dans un processus d’auto-exclusion, par des conduites de menace et d’attaque, Ali-Yann se transforme inexorablement en Alien. Il rejette puis s’excuse ou supplie alternativement, parfois dans la même journée et toujours sur un mode inacceptable, les partenaires qui persistent à l’accompagner. Il met en tension jusqu’aux responsables politiques locaux qui, de manière paradoxale, somment le groupe de travail constitué à son sujet, de trouver des solutions évidemment inexistantes.

Les dernières démarches d’accompagnement, toujours en vigueur aux moments des incarcérations, sont collectives. Elles tentent de permettre au sujet de garder face à lui, des interlocuteurs qui ne soient pas encore détruits par l’alternance d’incohérence, de violence, de séduction. Les travailleurs sociaux, un responsable d’insertion, une infirmière, un médecin généraliste et nous mêmes souhaitons tenir le cap de la résistance, mais ce lien reste très fragile et précaire, soumis au contrôle de sa violence par lui-même et les structures institutionnelles et inter-institutionnelles dont il pourra, dans le meilleur des cas, être entouré. Mais il est clair que tout s’évanouit progressivement, services de soins et sociaux, par la vigueur de ses coups de boutoir répétés.

Il faudrait, pour éviter cela, tenter de comprendre ce qui conduit Alien à traverser de tels abîmes en y entraînant ses interlocuteurs. Ce devrait être l’objectif concret de la suite de la prise en charge si celle-ci résiste ; ce sera en tout cas l’objet de la prochaine partie du travail, qui va reprendre et développer les axes conducteurs du questionnaire aux SDF, en filigrane de l’anamnèse de Ali-Yann.