3.2.3.3. L’espace.

Cet homme ne supporte pas de s’éloigner longtemps de la ville où pourtant, ses issues sont de plus en plus réduites. Chaque tentative de « lui offrir une autre chance » là où aucune réputation ne le précèderait est presque immédiatement déboutée.

L’espace public de la rue est surinvesti dans des parcours connus même de la police qui peut anticiper son itinéraire: il a « à faire » dans tel quartier, se trouve à telle heure sur les boulevards du centre ville, et rentre à telle heure de la nuit à son « domicile ».

Il explique régulièrement combien un espace privé lui est fondamentalement intolérable; même s’il présente des demandes formelles dans ce sens, elles sont sûrement destinées pour une part à montrer la sincérité de son désir d’une inscription sociale et affective ordinaire; mais elles ne résistent pas à la destructivité qui agit en lui. Les essais d’installation dans un appartement ou une résidence sociale provisoire ont toujours été voués à l’échec, invalidant de fait la survivance de l’espoir chez les travailleurs sociaux. Alien préfère vivre dans un « espace -poubelle », lieu clos, étroit, où la sensorialité et les limites corporelles sont sans doute sollicitées comme modalités de survie.

Lorsqu’il est en relation, qu’elle soit duelle ou groupale, l’espace devient trop restreint pour lui qui s’évertue à chasser autrui par des indices gestuels ou comportementaux. Pensons dans ce registre, à l’amplitude des mouvements de combat au moment de l’entretien de face-à-face, qui succèdent aux déplacements circulaires et confinés du début de la séance. A l’inverse, il impose parfois à son interlocuteur une proxémie(E.T. Hall, 1971) telle que le mode de distance en jeu se réfère à l’intime du jeu sexuel, de la lutte ou des soins précoces.

L’égarement paradoxal dans un espace parfaitement balisé, le confinement corporel entre des murs resserrés, enfin l’insupportable proximité de l’autre suggèrent l’inachèvement, au niveau spatial, de la construction des repères internes, par inadéquation des limites environnementales.