3.3.3. Synthèse- Commentaire.

3.3.3.1. Corps et santé.

Amina se montre toujours soignée, au sens d’une attention particulière sur la propreté et la discrétion. Cette apparence semble d’autant plus importante qu’elle évite à tout prix de ressembler à ses frères SDF ou malades mentaux, à sa sœur prostituée. Pourtant, elle lutte contre une féminité naturelle, redoutée comme source du désir masculin qui la replonge dans l’inceste fraternel. Malgré une douceur incontestable de l’ensemble, Amina durcit son visage, cache ses formes sous des vêtements asexués. Une dualité se fait jour dans son allure, entre l’aspect de normalité qu’elle tient à préserver, et la dévaluation de son essence sexuée. Son corps est une première source de difficulté entre ce qui, visible, semble offrir une possibilité de lien, et ce qui doit être enfoui comme ouvrant sur une relation pervertie.

Si l’on veut garder la logique de stratification intérieure du corps, Amina ne témoigne pas de la même préoccupation pour sa santé globale que pour son apparence. Il lui arrive de se faire du mal, ou du moins de le souhaiter, à travers les auto-mutilations envisagées -se frapper la tête contre les murs, se planter un couteau dans le ventre. Elle s’est beaucoup abîmée par ses poly toxicomanies passées, maintenues dans la consommation effrénée de cannabis qui, dit elle, la rend « noire, comme une tache ». Il n’est donc pas impossible que l’inhalation quasi incessante de ce produit altère gravement ses poumons. De même, on peut croire que les carences nutritionnelles d’une enfance où il fallait se débrouiller pour manger, soient suivies de troubles à long terme.

En revanche, la sphère psychique est surinvestie, dans une plainte importante concernant une souffrance non traitée. Il est vrai qu’avec son passé de toxicomane aux opiacés, alcool et anxiolytiques, Amina ne convainc pas facilement les praticiens de lui prescrire des médications à visée calmante. Elle dit ne pas dormir, s’abrutir de cannabis pour ne pas penser, passer par des crises de panique et d’agoraphobie qui l’incitent à vouloir se blesser pour que cela cesse. Elle se voit comme un déchet, vérifiant cette assignation de la part de ceux de sa famille qui l’insultent ou la battent.

On retrouve une nouvelle fois la composante ambivalentielle qui nous avait déjà frappée par rapport à son apparence : car Amina souffre, au moins au niveau psychique. Mais toutes les tentatives de soin sont vouées à l’échec: les psychiatres qu’elle a autrefois rencontrés pour son frère psychotique l’ont toujours accablée de reproches, les confrères que nous lui proposons ne sont pas assez disponibles. En tout cas, elle persiste à ne se soigner que par auto-prescription de drogues ou, au mieux, d’anxiolytiques qu’elle parvient à soutirer au compte-goutte de son médecin généraliste.