3.3.3.3. L'espace.

Celui qu’Amina s'approprie est aujourd'hui solitaire, voire confiné. La peur de l'autre la conduit à des épisodes d’agoraphobie ou de phobie sociale, à des conduites d'auto-exclusion manifestes. Elle est inquiète ou dégoûtée des autres. Tout se passe comme si les empiétements de son enfance, qui condensent à la fois l'indifférence maternelle et les effractions paternelle et fraternelles, se rejouaient à tout coup dans son espace actuel. Amina a traversé une forme d'errance lors de son adolescence, peut être même à la fin de son enfance, quand le froid et la dangerosité de la rue lui semblaient préférables aux risques encourus à la maison. Désormais, elle parvient à contaminer son intérieur soit par les toxiques qu'elle consomme de manière intensive, soit par les conduites auto-agressives qu'elle met en scène. On peut entendre un double sens à cette notion d’intérieur : il s’agit de son domicile, mais aussi de sa façon d’habiter l’espace. Si elle met un point d'honneur à ne pas ressembler à ses frères tortionnaires ou clochards, si elle tient à se présenter dans un style, une allure extérieure de femme soignée, c'est en revanche l'intériorité de son espace corporel et péri-corporel qui est atteint par la "noirceur et la saleté". Au fond, la seule manière qu'Amina ait trouvé pour décontaminer à minima son environnement, consiste à le contaminer activement du dedans.