3.3.4. Axe central: l'espace.

Dans sa confusion, Amina trouble et obscurcit son espace psychique et physique. L'espace apparaît comme la dimension nodale de sa problématique à travers le mode de défense mis en place contre la toxicité et la contamination précoces du lien.

Historiquement, l'espace privé est mortifère ou perverti, tandis que la place publique, glaciale et objectivement inquiétante, sécurise la jeune fille de manière illusoire, témoignant ainsi d'une inversion du privé et du public. Il est ici question d'obscénalité, où ce qui devrait n'exister que dans la sphère de l'intime ne peut être soutenu que sur une autre scène, ouverte au regard d'autrui.

Aujourd'hui, un processus de retournement semble avoir opéré une seconde fois, puisque le lieu dangereux se trouve à l'extérieur, dans l'espace public, alors que la sécurité réside à l'intérieur, dans l'espace privé. Le risque semble en effet seulement réductible par son évanouissement au monde qui l'a vue grandir. C'est ainsi que sa perspective pose la question de sa visibilité aux yeux d'autrui: se terrer chez elle, se cacher sous le voile religieux, paraissent en effet une manière ultime de se soustraire à la lubricité omniprésente, comme l'illusion de trouver enfin la protection et la préoccupation à jamais défaillantes.

Pourtant, dans un mouvement paradoxal, l'espace géographique est confiné dans un domicile envahi par les volutes brumeuses et toxiques, l'espace corporel est maltraité par les coups auto-infligés; réduit sous un espoir de protection cultuelle encore mal ajusté, l'espace psychique s'égare dans un désir de "ne plus penser". La tentative de s'épargner la confrontation avec un environnement dangereux est ainsi mise en échec, par les attaques qu'elle fait activement subir à son corps et par la restriction de la manière de l'habiter et de le montrer. La toxicité du lien primaire, autrefois externalisée, revient par ricochet dans l'espace et le corps propres d'Amina, ramenant l'infamie primitive sur la scène intime, alors qu'elle appartenait à l'espace familial, brouillant de ce fait la compréhension de la maltraitance et de la soumission actuelle.