4.1.2.3. L’illusion d’une nouvelle étoffe.

Farida passe plusieurs mois sans revenir. Lorsqu’elle réapparaît, elle conserve une vêture discrète et élégante; sur le plan psychique, elle relit son histoire à travers une intériorité et une tristesse adaptées. Elle poursuit, comme si nous nous étions vues la veille, l’examen de la honte de son adolescence. Elle explique avoir eu peur de se montrer « pimbêche » aux yeux de ses amies d’alors, si elle avait porté les beaux vêtements. Cette inquiétude s’est pérennisée lorsqu’elle s’habillait sans soin, dans l’espoir qu’on ne la remarque pas. En revanche, elle continue à acheter de jolis effets qu’elle garde dans son armoire, à défaut d’oser les jeter.

La fin du travail s’organise dans une tentative de réinscription temporelle de son histoire. Farida essaie de retrouver trace des différents évènements traumatiques de l’enfance et de l’adolescence. Elle peut se remémorer l’inquiétante familiarité d’une vie familiale régie par la violence et/ou l’indifférence parentale, la domination des frères, la folie d’une sœur devenue «handicapée» par trop d’inceste, la répudiation d’un frère et la prostitution, enfin, de celle qui a été sa «vraie» mère.

Dans le même temps, elle semble pouvoir se projeter de manière moins confuse dans un avenir personnel et autonome.

Pourtant, les nouvelles de Farida, à distance, témoignent malheureusement d’une rechute psychiatrique importante, nécessitant une hospitalisation durable. Comme si l’approche de sa subjectivité avait été par trop intolérable, elle s’est séparée d’elle-même en se revêtant d’une nouvelle peau, composé de morceaux de prostitution et de folie; la dernière confection de son manteau d’Arlequin apparaît en effet comme une autre enveloppe psychique tissée de honte, de «gloire», de démesure, et de perte de soi.