4.2.3.3. Honte et liens.

Les liens de Faridasont à interroger en connexion avec la manière dont elle expose son corps et dont elle investit son espace. Toujours s'oubliant pour autrui, elle prend immanquablement le risque du ridicule, du mépris ou de son utilisation parfois malveillante par les tiers. Son histoire amoureuse elle-même est bâtie sur le sable puisqu'elle souligne l’impossibilité d’un compagnon rejeté par la fratrie.

Du côté des travailleurs sociaux, Farida excède ou apitoie, sollicite une compassion mi-moqueuse, mi-attendrie, par le mélange d’outrance et de candeur qu'elle diffuse. On espère sa délivrance, mais on constate qu'elle semble souhaiter échouer; on renonce un peu, clandestinement, attendant que son projet se clarifie.

Quand elle parvient à renouer avec sa subjectivité, la réalité historique des liens se dévoile enfin. Farida élucide, par la remémoration du traumatisme, son inféodation à des attachements despotiques, paradoxaux et incohérents. Prise dans le dilemme de fidélités contradictoires, elle ne trouve d'issue que dans la superposition sur elle, de la représentation de tous les enjeux intra-familiaux. Les vêtements offerts par une sœur douce et maternante, mais aussi référée à une sexualité interdite, sont admirés puis réduits à une place de déchet. Elle les réhabilite pourtant en achetant, devenue adulte, des effets élégants qu'elle cache dans son armoire, ou les dévalue en les portant de manière dysharmonieuse et éhontée. Sur le plan de l'appartenance familiale, elle accepte la domination fraternelle et ne s’en échappe pas malgré ses demandes, tout en la refusant en même temps par son insoumission amoureuse, qui échoue elle aussi. Elle tente de se guérir de la folie dévastatrice qui a anéanti sa petite sœur, mais se soigne peu ou mal, attendant que l'hospitalisation soit prescrite par d’autres. L'hésitation sur la compréhension de son accoutrement vestimentaire, entre obscénité et incohérence, semble condenser la problématique de Farida autour de l’attachement.