1.2.1. Similitudes.

Premier fil conducteur identifié, au-delà de toute discrimination entre les populations, cette communauté de «misère» subjective se joue toujours sur une scène extérieure, objective. Il existe en somme un témoin du pathos, qu’il soit recherché ou rencontré par hasard, identifié ou impersonnel. Fantine est stigmatisée par la rue comme prostituée, puis protégée par Monsieur Madeleine/Jean Valjean, coupable de son licenciement. Gwinplaine montre sa face grimaçante au public. Les déportés n’ont pas d’autre choix que de traîner leur souillure devant leurs bourreaux, au risque d’en mourir.

Quand Monsieur D s’écroule ivre-mort, nous reconnaissons sa voix et constatons sa déchéance. Monsieur M n’en finit pas de décrire à notre intention ses ébats incestueux; Monsieur S nous plonge dans l’égarement; Monsieur C nous fait éprouver le choc de la chute, le froid de la coupure. En notre présence, Arnaud s’affiche rasé, Ali-Yann agressif, Farida exubérante, Amina désespérée et Monsieur Rouge écorché. Tous, à un moment ou à un autre, utilisent notre présence pour exhiber une part d’horreur qu’ils contiennent sans l’identifier.

Boris cache, autant qu’il le peut, cette parcelle d’abomination sous la parka de silence et d’indifférence dont il tente encore de se revêtir. Mais le témoin scolaire, familial ou soignant est pourtant toujours convoqué.

Ensuite, pour tous, la cause de ce malheur est externe, indépendante de leur décision. Certes, ils y contribuent plus ou moins activement, mais à l’origine, un ou plusieurs paramètres contextuels sont en jeu, bien au-delà d’une influence personnelle quelconque. Il est impossible de penser que les déportés aient choisi ce destin, que Boris ait eu prise sur le handicap de son frère, que Ali-Yann, Monsieur B. ou les autres n’aient pas subi une parenté défaillante ou franchement toxique.