1.3.1.3. Synthèse.

Le corps des sujets se montre blessé et affaibli, à des niveaux qui varient selon la sévérité et la chronicité de l’exclusion. Dans tous les cas, il est atteint sur l’enveloppe sensorielle externe, comme si la peau et les organes des sens servaient de signifiant transitionnel à la problématique intrapsychique et intersubjective. La plupart des sujets ont tendance à incriminer l’extérieur en tant que cause des lésions, ce qui est réel dans beaucoup de cas. Cependant, il faut remarquer, surtout en ce qui concerne les errants chroniques, leur participation plus ou moins active aux dommages subis. Les vapeurs de l’ivresse réplétive, l’inhalation de toxiques ou les troubles alimentaires, aggravent les perturbations des organes internes; les addictions conduisent à des actes d’auto exclusion; les négligences ou mises en danger portent atteinte au soutènement architectural; les périls infectieux, toujours présents dans la situation de précarité, blessent gravement l’intégrité somatique; enfin, l’incurie menace le lien.

Tant sur le plan de la verticalité que sur celui des strates de la profondeur, le corps paraît donc globalement maltraité par un tiers groupal, tortionnaire ou indifférent. S’il ne peut demeurer "bien veillé" par l’étayage familial ou social, il apparaît donc en risque de dé-liaison en se décomposant, par lambeaux ou éparpillement, ou en s’évanouissant progressivement, comme dans le cas des déportés «musulmans». Plutôt que de subir passivement la violence extérieure, lorsqu’elles n’ont plus l’énergie d’y faire face, les personnes l’endossent en prenant une part discrète mais active à cette entreprise de destruction. Enfin, le psychisme entendu comme partie du corps est rarement douloureux, mais se brise ou s’enfouit dans l’indéterminé.