1.4.2. Divergences.

Sur cet axe, les dissemblances sont plus nettes que précédemment. Certes, le lien actuel réactualise souvent des difficultés précoces dans les situations chroniques. Cependant, chez les déportés, rien n’indique la présence de ce type de problématique et seule, la catastrophe présente est responsable de la nature des relations qui se font jour, autour de la survie. Ainsi, on ne peut immédiatement considérer la précarité dans son ensemble, comme organisatrice d’un lien particulier, qui oscillerait entre méfiance et abandon total à l’objet. Si l’on prolonge cette thématique sur la nature du lien, il serait plus pertinent de différencier la survie réelle et la sauvegarde psychique. La première implique en effet l’entrecroisement des liens de crainte et de dépendance, absolument inéluctables pour demeurer vivant, mais qui ne semblent nécessaires que dans l’urgence de la crise; tandis que la seconde déterre des modalités relationnelles historiques et les réveille sur la scène actuelle.

Dans cette analyse, la précarité consécutive à un contexte extrême convoquerait des mécanismes psychiques apparemment identiques à ceux mis en tension dans la précarité affective originaire. Ceux-ci concerneraient un nœud de méfiance et d’attente démesurées envers l’objet. Infiltré d'une telle dualité, le lien actuel serait instable, insécure et paradoxal, de constitution forcée par les contingences. Dans le cas de sujets déjà organisés en amont de la situation de crise, il pourrait se consolider sur un versant de partage minimal, tel que nous l’avons observé chez les déportés suffisamment armés. Pour ceux qui auraient subi une succession d’empiétements, plus ou moins discrets mais répétitifs, il remettrait en scène les incohérences, les échecs, les imprévisibilités de l’histoire ancienne en même temps que l’illusion d’une restauration intégrale.