143. Synthèse.

Le lien actuel repose sur la défiance initiale, connectée à des expériences préalables dangereuses, qu’elles soient contemporaines, anciennes, ou répétées, suivie d’un immense espoir qui confine à l’abandon, total mais provisoire, en l’autre. Paradoxalement, cette forme d’attache témoigne de niveaux d’investissement ultimes et ambigus entre haine et passion, indifférence et dépendance. Il faut noter des nuances entre la «simple» réaction à un traumatisme soudain, qui déclenche ces modalités défensives d’attraction/rejet, et l’habituation insidieuse à un environnement discrètement imprévisible, qui n'aurait jamais permis une organisation psychique de base. Cependant, dans tous les cas, la relation présente se joue sur un modèle qu’il appartiendra au tiers de déchiffrer, pour tenter de lui rendre figure humaine. Il s’agit d’un lien fragile, hésitant, d’abord hostile, que l’objet devra accueillir et accepter, en le déclinant de manière suffisamment tolérable pour lui-même. Il est en effet capital que cette attache ne soit pas, par sa violence et son étrangeté, le motif d’une nouvelle éviction, assurément considérée jusque là par le sujet comme sa seule possibilité d’«être-au-monde-social». Dans les situations au long court, nous avons étudié les mouvements d’amarrage comme cette unique possibilité thérapeutique, au sens où elle débute au niveau le plus primitif de la prise en charge des besoins fondamentaux, par une musicalité plus que par une parole, par un regard contenant plus que signifiant; au fond il pourrait s’agir d’un échange d’abord seulement sensoriel, au sens où la relation devra, surtout, contenir l’ensemble des paradoxes d’une appétence au lien qui n’a cessé d’être déboutée.