1.5.2. Origines.

Si Boris est considéré par tous comme «le» problème, si nous nous sommes nous aussi engouffrée dans cette brèche, c’est que le contexte familial a été soigneusement écarté du champ présenté. Aucune omission parentale n’a strictement empêché d’évoquer Alex, mais la banalisation de sa situation, associée à la dramatisation de celle de Boris, ont abouti à une centration exclusive et inadéquate sur les troubles antisociaux de ce dernier.

De plus, il a fallu trouver la collaboration d’autres thérapeutes, pour comprendre les scénario joués parfois hors-contexte.

Une des origines des troubles est ainsi cachée/montrée par le sujet, qui pactise avec la famille de manière dénégative. Cachée, car rien n’est à dire sur les événements capitaux qui ont eu lieu. Montrée, car Boris n’en finit pas de nous mettre sous les yeux son rapport à la mort, à l’expulsion du déchet, à la momie ou à l’impossible tranquillité familiale.

Les empiétements subis par le garçon se perdent dans le cumul des traumatismes; seule se perçoit sa posture actuelle, voûtée sur son rôle de mauvais garçon pour préserver autant que possible la mémoire de la première et seule fille mort-née, la vie de l’aîné véritablement mutilé, la tension de ses parents authentiquement tourmentés.

On peut penser que la bonne santé de Boris, soulageant sans doute une parenté doublement endeuillée, a permis une attention plus diffuse, moins précise à son égard. Le «non-traumatisme» individuel associé à plusieurs traumatismes familiaux a provoqué, à son adresse, un empiétement discret par déficit probable de préoccupation.

Nous pouvons émettre l’hypothèse que les sujets errants ont sans doute suivi le même parcours que Boris, sur une exposition secrète et inintelligible des blessures historiques et intersubjectives. Comme dans «la lettre volée» (E.A. Poe, 1839) tout est sous les yeux de celui qui veut bien s’efforcer de voir, mais de manière tellement grossie, outrée, que chacun en est aveuglé. Les bribes d’histoire recueillies auprès des adultes, nous autorisent elles aussi à penser que les problèmes ont concerné d’abord l’environnement, qui a secondairement transmis l’onde de choc à l’infans en voie de maturation. Le traumatisme originel est donc familial, mais les empiétements blessant directement le sujet concernent le plus souvent les non-ajustements successifs de l’objet à ses besoins précoces.