1.5.3. Modalités défensives.

Boris se tait et se terre dans un espace minimal; il s’entoure en revanche d’une bulle, protectrice et répulsive. Lorsqu’il exprime quelque chose, c’est une sensation de vide, de négatif ou d’indifférence. En revanche, il nous fait éprouver des affects de confusion, de flou, d’indéterminé, d’inintelligibilité.

Toutefois, il montre dans ses jeux, des processus qui s'approchent d'une élaboration de ressentis, récurrents mais tacites. Il hausse les épaules devant nos essais de traduction, mais les écoute attentivement ou demande des précisions. Alors que la valeur de ses mots est désavouée, il semble très friand des nôtres.

Un des points forts de la thérapie de Boris réside dans la labilité de ses défenses, encore peu installées ou rigides. L'enfant a déjà perçu l’immédiateté du soulagement psychique procuré par l’acte, comparativement au différé de celui de la parole; cependant, l'acte reste porteur d'un désir d'expression devant un autre. Autrement dit, il est utilisé comme médiateur entre la vie interne du sujet et le monde environnant, à la condition d’être déchiffré par le tiers.

La difficulté de décodage provient de la césure entre l’émergence de sa vie psychique et le désintérêt de ce qui peut en être dit, une fois qu’elle s’est manifestée. De ce fait, l’acte prend le risque de n’être entendu que comme une impulsion, ou d’être pris dans un contresens malencontreux, sur sa valence uniquement intrapsychique, qui renforce les processus d’auto-exclusion.

Mais l’enfant ne se contente pas des premiers malentendus et revient infatigablement sur les mêmes scènes, jusqu’à ce qu’elles soient suffisamment interprétées à son gré. Les défenses se solidifient néanmoins, en général à la suite de nouveaux errements. En outre, il faut noter qu’après des périodes fastes où il produit beaucoup et s’approche d’un début de symbolisation, Boris détruit son avancée comme pour la démentir et faire retour à l’échec, l’exclusion, l’évanouissement.

Ces moments de chaud et froid se succèdent de manière rapprochée chez lui, du fait de son âge et de son désir persistant de se faire entendre. Mais on peut penser que chez les adultes abîmés par un désespoir pérenne, ils s’éloignent peu à peu, pour que seule subsiste une glaciation affective protectrice.

Pourtant on peut supposer le même fonctionnement chez les grands errants, toujours prêts à investir le moindre intérêt pour eux, pour peu qu’il ne soit pas trop intense. On imagine volontiers que les objets sociaux des sujets chroniques, utilisés certes de façon plus concrète que les pâtes à modeler, aient la même fonction de message adressé à l’objet, celle de traduire pour eux une partie de leur vie psychique. Simplement, l’enfouissement de celle-ci et sa perte dans l’intemporalité, les a éloignés de ce sens qui n’apparaît que, de loin en loin, comme un mal à museler sous peine de reviviscence de souffrances incongrues et non identifiées.