3.2.3. Le tourbillon défensif.

La sensation de confusion émanant des sujets paraît constituée de ces deux mouvements opposés qui s’affrontent. Ils pourraient figurer la dualité de l'appétence et du rejet envers le socius, que les personnes ont à gérer et qui les épuise. Car garder inhumés des signes de la vie intérieure, tout en les exposant à la surface du corps individuel et social, crée une situation intenable pour tous. Le tourbillon ramène à un espace indéterminé et insaisissable, qui à la fois protège, à la fois égare le sujet et ses alentours. Nous avions présupposé une quête défensive, inhérente à ce mouvement physique et psychique qui brouille les pistes de l’intime; mais n’en avions pas clairement perçu l’aspect vertigineux pour le sujet lui-même, que la recherche dévoile. Autrement dit, on pourrait supposer que la dilution de soi dans l’extérieur et la profondeur, augmente la vitesse d’éparpillement des éléments qui ont constitué l’histoire de l’individu. Ainsi, on est en droit de concevoir un accroissement des phénomènes, dès lors qu’une certaine habituation s’installe. L’errance s’amplifie dans l’espace, voire dans le temps qui se rallonge entre deux pauses; les liens se font plus superficiels, leur rupture plus rapide, inversement à l’aisance de leur constitution; les addictions aidant à l’enfouissement se répètent et s’aggravent, comme les passages à l’acte antisociaux ou mélancoliformes. Sans intervention extérieure, le tournoiement ne cessera qu’avec la disparition du sujet qu’il enveloppe.

L’arrêt du mouvement ne peut donc advenir spontanément et requiert la présence d’un tiers, qui servira de premier liant du corps d’abord, des fragments de psyché ensuite. Celui-ci devra accepter d’entrer dans le mouvement, tout en restant un peu rivé au monde, pour s’aboucher, de manière ténue mais solide, à la partie la plus accessible du sujet tourbillonnant. Dans un second temps, il lui faudra aider la subjectivité en friches, à rassembler sans les ponter ses morceaux disséminés. C’est seulement ensuite que l’amarrage pourra favoriser, comme un gant qu’on retourne, l’inversion dehors/dedans, afin que le sujet commence à retisser les brins de son histoire.